Communiqué du SNJ-CGT
Les salariés du quotidien régional La Provence ont voté vendredi 22 mars à 79% en faveur d’une grève illimitée et d’une motion de défiance contre leur direction, notamment le propriétaire du journal, le milliardaire Rodolphe Saadé, à la tête de l’armateur CMA-CGM. La parution du journal est donc suspendue et une nouvelle assemblée générale est prévue lundi 25 mars pour décider de la suite du mouvement.
La raison de leur colère? La mise à pied du directeur de la rédaction après la publication de la Une de jeudi 21 mars. Celle-ci était critique envers le plan de communication que constituait la venue à Marseille, deux jours plus tôt, du président Emmanuel Macron et de plusieurs de ses ministres, pour mettre en scène leur volonté de combattre le trafic de stupéfiants qui gangrène la ville.
«Il est parti et nous, on est toujours là…», pouvait-on lire en Une du quotidien, qui laissait la parole à des habitants de la cité paupérisée de la Castellane. L’article expliquait plus loin que si des points de vente de drogue avaient, certes, été asséchés en l’espace de quelques heures en raison du déploiement d’un important dispositif policier, le quotidien de misère et de délabrement des services publics de la cité, lui, non.
«Il est parti et nous, on est toujours là…», pouvait-on lire en Une du quotidien, qui laissait la parole à des habitants de la cité paupérisée de la Castellane. L’article expliquait plus loin que si des points de vente de drogue avaient, certes, été asséchés en l’espace de quelques heures en raison du déploiement d’un important dispositif policier, le quotidien de misère et de délabrement des services publics de la cité, lui, non.
Les journalistes de La Provence ont tout simplement fait leur travail! Mais ceci ne semble pas être du goût de la direction du journal qui, prétextant que la Une pouvait porter à confusion en laissant la parole à des trafiquants de drogue, a voulu exprimer son veto. Allant même, comble du ridicule, jusqu’à s’excuser dans l’édition de vendredi auprès de ses lecteurs pour une éventuelle ambiguïté.
Or, même si la parole avait été donnée à des trafiquants, n’est-ce pas le rôle d’un média de donner la parole à toutes les parties, même celles qui «dérangent»?
Cette intervention dans le contenu rédactionnel de La Provence de la part de son propriétaire est inacceptable et constitue une attaque très inquiétante contre la liberté d’information.
Cette intervention dans le contenu rédactionnel de La Provence de la part de son propriétaire est inacceptable et constitue une attaque très inquiétante contre la liberté d’information. Le SNJ-CGT soutient ses consœurs et confrères du quotidien régional, qui se battent pour conserver leur liberté éditoriale et refusent toute ingérence de la direction. Ironie du sort, syndicats et direction de La Provence étaient prêts à signer une charte d’indépendance et de déontologie, négociée depuis des mois…
L’intervention de Rodolphe Saadé, la première du genre dans le quotidien provençal qu’il a racheté fin 2022 après s’être emparé de La Tribune, est d’autant plus inquiétante qu’elle intervient après d’autres faits. Ainsi, en négociations exclusives pour le rachat à Patrick Drahi d’Altice Media (BFM-TV, RMC), il avait déjà, mardi, devant des élus de l’entreprise, prévenu qu’il «ne réagirait pas bien et le ferait savoir» si l’un de ses médias osait critiquer les activités de la CMA-CGM.
C’est une évidence: la concentration des médias entre les mains des milliardaires et des groupes industriels ne fait pas bon ménage avec la liberté d’informer et d’être informé. En voici une preuve supplémentaire qui pourra alimenter les réflexions des Etats généraux de l’information.
Montreuil, le 22 mars 2024.
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