Communiqué du SNJ-CGT
Il est des horreurs commises par la France coloniale qu’il est risqué de mentionner sur certaines antennes, même des décennies après les faits. Ainsi, le chroniqueur de RTL Jean-Michel Aphatie a été placé par la direction «en retrait de l’antenne» pour son intervention hebdomadaire du 5 mars. Son tort? Avoir dit en direct, le 25 février: «Chaque année, en France, on commémore ce qui s’est passé à Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village. Mais on en a fait des centaines, nous, en Algérie. Est-ce qu’on en a conscience?». Il avait ajouté: «Les Nazis se sont comportés comme nous.»
La direction de RTL a justifié sa décision auprès de ses auditeurs en estimant que la comparaison «entre certains actes commis pendant la colonisation de l’Algérie et des crimes nazis» est «inappropriée et a choqué beaucoup, beaucoup d’entre vous». Elle ajoute une autre raison: Jean-Michel Aphatie «ne souhait[e] ni s’excuser, ni revenir sur ses propos».
Le SNJ-CGT dénonce une sanction injustifiée, d’autant que les exactions commises par l’armée française en Algérie pendant 130 ans de colonisation sont aujourd’hui historiquement largement documentées.
Le SNJ-CGT dénonce une sanction injustifiée, d’autant que les exactions commises par l’armée française en Algérie pendant 130 ans de colonisation sont aujourd’hui historiquement largement documentées. Comme le rappelle le site Arrêt sur images (lire ici), plusieurs historiens ont pris la parole après les propos de Jean-Michel Aphatie. Par exemple, s’ils se gardent de faire un parallèle avec le nazisme, Sylvie Thenault (dans Le Nouvel Obs), Benjamin Stora (Libération) et Alain Ruscio (l’Opinion) rappellent respectivement les «violences systématiques: viols, perquisitions brutales, tortures, exécutions sommaires», la pratique des «colonnes infernales» et «les villages massacrés par l’armée française».
Par ailleurs, la série documentaire «Colonisation, une histoire française», réalisée par Hugues Nancy et diffusée par France Télévisions, documente très bien les exactions françaises dans le cadre d’une politique d’expansion colonialiste, fondée sur l’exploitation capitaliste, et rappelle les reportages du journaliste Albert Londres sur le sujet. La France s’est également dotée d’un musée sur l’histoire de l’immigration, le Palais de la Porte Dorée, qui n’esquive pas ces questions fondamentales dans une société multiculturelle. Il mériterait que certain journalistes, responsables éditoriaux et même des élus politiques le visitent pour mieux se former sur ces sujets.
Mais au débat, la direction de RTL a préféré la sanction, probablement influencée par des réactions comme celles d’Eric Ciotti, Jordan Bardella, Cyril Hanouna ou Pascal Praud.
Mais au débat, la direction de RTL a préféré la sanction, probablement influencée par des réactions comme celles d’Eric Ciotti (qui classe Jean-Michel Aphatie parmi «les influenceurs algériens» à expulser), de Jordan Bardella (qui dénonce une «odieuse falsification de l’histoire»), de Cyril Hanouna («C’est peut-être ce que j’ai entendu de plus grave depuis très longtemps en radio ou en télé») ou de Pascal Praud («C’est à la fois affligeant, consternant, aberrant, c’est aussi stupide.»).
Le SNJ-CGT refuse que le mètre étalon de ce type de débat soit défini et imposé par l’extrême droite et ses porte voix, CNews, Europe 1 et le JDD en tête. Il n’est pas admissible, notamment, de se voiler la face sur des questions comme le colonialisme, le racisme et leurs conséquences.
Montreuil, le 6 mars 2025.
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