Dans le litige qui oppose depuis plus de deux ans 73 journalistes à la direction d’Infopro Digital – repreneur du Groupe Moniteur fin 2013 -, les deux principaux syndicats de journalistes, le SNJ et le SNJ-CGT, apportent leur soutien juridique et financier aux plaignants afin d’appeler le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), l’organisme de gestion collective, à s’expliquer à la barre.
En effet, après le rachat de Groupe Moniteur, Infopro Digital décide unilatéralement de ne plus verser les droits d’auteur dits CFC, considérant qu’ils sont compris dans les accords qui ont suivi la loi Hadopi. Or, le droit de reprographie est régi par une autre loi, datant de 1995.
Pour le Groupe Moniteur, les sommes reversées par le CFC varient entre 850 000 et 1 million d’euros par an. Pour les journalistes du Groupe Moniteur, cela représentait 240 000 à 300 000 euros, distribués traditionnellement en juillet. Mais, à l’été 2014, plus rien.
Découvrant la situation, le CE du Groupe Moniteur a porté plainte au pénal, pour délit d’entrave, et 73 des journalistes lésés ont porté plainte au civil pour récupérer leur dû. Dans les deux affaires, la justice leur a donné tort en première instance. Ils ont décidé de faire appel.
Les syndicats des journalistes se solidarisent de cette cause, qui concerne toute la profession : les journalistes sont également des auteurs et, dans le respect des lois, les éditeurs doivent partager avec les auteurs dans une « répartition équitable » les sommes collectées au titre de l’exploitation des droits de copie.
Infopro Digital devenu, après le rachat du Groupe Moniteur, le premier groupe de presse professionnelle de France, ne fait qu’appliquer les méthodes qui étaient les siennes avant son élargissement : éviter le partage de ce type de revenus.
Le CFC doit s’expliquer sur les sommes versées et le respect de la « répartition équitable ». Quels engagements ? Quel contrôle ? Quel enjeu financier ? Il ne saurait y avoir aucune collusion entre les organismes de collecte et de répartition des droits et les patrons de presse, sous peine de déséquilibrer encore plus les rapports entre les salariés et les entreprises. C’est pourquoi le SNJ et le SNJ-CGT se félicitent également du soutien de la SCAM aux journalistes de Groupe Moniteur dans leur lutte pour défendre leurs droits.
C’est la première fois qu’une Cour d’appel est amenée à se prononcer sur la nature des droits des journalistes en la matière, sur leur répartition. C’est pourquoi les syndicats considèrent que ce procès peut avoir des conséquences sur toute la profession et souhaitent attirer l’attention de la Cour des comptes et du ministère de la Culture et de la Communication sur les dérives et les attaques répétées du patronat contre les droits des auteurs, mais aussi sur les obligations du CFC, qui doit veiller au respect des droits des journalistes et pas seulement servir les éditeurs.
Dans l’audiovisuel, le patron de Canal +, Vincent Bolloré, a également décidé de s’attaquer aux droits d’auteur, en cessant de les verser aux sociétés de gestion collective, qui ont saisi la justice. Cela montre, une fois encore, que certains éditeurs ne reculeront devant rien afin d’augmenter les marges, y compris au détriment des auteurs et des journalistes.
Paris, le 5 juillet 2017
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