« L’analyse du pluralisme des médias en France fait apparaître un niveau de risque faible à moyen pour les quatre principaux domaines examinés : protection de base, ouverture du marché, indépendance politique et inclusion sociale. » Ce constat émane d’un rapport produit par une équipe de recherche française dans le cadre du Media Pluralism Monitor (MPM), un « outil conçu pour identifier les risques pouvant peser sur le pluralisme des médias dans les Etats membres de l’Union européenne ».
Sans doute les équipes chargées de ce rapport n’ont-elles qu’une vue très éloignée de l’état des médias en France ; sans doute n’ont-ils pas lu tous les communiqués des organisations syndicales de journalistes produits tout au long de l’année 2016.
S’ils concluent, par exemple, que « le risque pour la liberté d’expression est assez élevé » (33% sur une échelle de 0 à 100 %), ils estiment que la « protection de base », c’est-à-dire les garanties législatives et l’effectivité de leur mise en œuvre est bonne, puisqu’ils la chiffrent à 22%. Le risque de pluralité du marché, lui, est estimé à 21 % et qualifié de faible ; l’indépendance politique des médias obtient le meilleur résultat (risque de 11 %). Enfin en matière d’inclusion sociale (concernant l’accès aux médias de divers groupes dans la société) le risque est, lui aussi, qualifié de faible (avec 25 %).
Les auteurs ont-ils évalué les risques, bien réels, que font peser les Drahi, Bolloré, Pinault, Lagardère, Dassault sur le pluralisme en contrôlant tous les « grands médias », c’est-à-dire les médias d’influence ?
Les censures opérées par Vincent Bolloré à Canal+ et à iTélé ou la suspension d’Audrey Pulvar, les censures de Pinault aux Echos et au Parisien sont-elles seulement des fantasmes ? Les rétentions d’information à l’AFP sont-elles purement imaginaires ? Les complaisances de L’Obs et du JDD pour Emmanuel Macron sont-elles des inventions de ses seuls opposants ?
Les attaques pouvant aller aux menaces de mort à l’encontre des journalistes jugés trop curieux et la dénonciation de la profession accusée d’être à la recherche incessante du scandale par de nombreux hommes politiques n’ont-elles jamais atteint les oreilles des experts du Media Pluralism Monitor ?
On pourrait suggérer à ces doctes experts de s’interroger sur les raisons et les conséquences de la diminution du nombre de cartes professionnelles attribuées aux journalistes. Les raisons, c’est-à-dire la précarisation accrue. Les conséquences, c’est-à-dire l’appauvrissement de la qualité globale de l’information, même si certains résistants arrivent à effectuer correctement leur mission d’informer.
Faut-il aussi rappeler aux auteurs que le nombre de chaînes de télévision ou de radio et le développement des réseaux sociaux ne sont nullement l’assurance d’une augmentation de la qualité de l’information et du pluralisme, comme l’ont montré récemment Julia Cagé, Nicolas Hervé et Marie-Luce Viaud dans « L’information à tout prix » ?
Pour le SNJ-CGT, le rapport n’est pas le reflet de la situation des médias et de l’information en France aujourd’hui ; il vient contredire la réalité, même si, dans ses conclusions, il est plus critique, notamment en matière de concentrations.
SNJ-CGT, le 21/07/2017