#balancetonporc : des décisions rédactionnelles incohérentes

0  -  Article mis à jour le 3 novembre 2017

Un lourd malaise gagne la rédaction de l’AFP. Plusieurs faits très récents montrent une perte de repères, des choix rédactionnels qui mettent à mal la « culture » de l’AFP privilégiant recherche de l’information fiable, rigueur, exigence et sobriété.

Les affaires de harcèlement ou d’agression sexuelle dans le contexte de l’affaire Weinstein: des décisions rédactionnelles qui désorientent

A la demande expresse de la rédaction en chef, l’AFP a publié vendredi un papier général relatant l’accusation d’agression sexuelle, et le démenti du mis en cause, proférée dans L’Express par l’écrivaine Ariane Fornia, fille de l’ex-ministre Eric Besson, à l’encontre de l’ancien ministre socialiste Pierre Joxe. Un factuel de plus de 400 mots, réclamé par la Redchef, avait été donné sur le fil dans la nuit de jeudi à vendredi.
Que, au moment où la parole des femmes se libère autour du hashtag #Balancetonporc, l’AFP relate cette grave mise en cause d’une figure de la gauche peut se comprendre. Même si la justice n’est pas saisie, aucune plainte n’ayant été déposée. Car l’écrasante majorité des victimes d’agressions sexuelles n’ose pas se rendre au commissariat pour porter plainte pour des raisons largement développées par elles et que tout le monde peut entendre.
Toutefois, s’agissant de faits anciens (2010) qui auraient été commis par une personnalité reconnue et inattaquable jusqu’à présent, n’aurait-il pas fallu entrer en contact avec la victime présumée pour tenter d’avoir des précisions et crédibiliser un peu plus son témoignage plutôt que se contenter d’un pick-up assorti d’un démenti de « l’accusé » ? Rappelons que les révélations concernant Weinstein ont été précédées d’enquêtes minutieuses par des médias américains.
Compte-tenu de la prudence que doit induire notamment l’absence de plainte, ce qui fait que la vérité ne sera jamais établie par la justice, pourquoi avoir mis délibérément en exergue cette affaire en en faisant un papier général annoncé aux abonnés ? « L’intérêt des clients » serait-il devenu notre seule boussole, aux dépens de notre éthique professionnelle ?

Affaire Joxe vs affaire Lassalle, l’incohérence

Tout le monde sait qu’il ne suffit pas de donner la parole à « l’accusé » pour se dédouaner. De fait, l’AFP a donc « balancé » Pierre Joxe, dont la réputation est évidemment salie par cette affaire, ce qui expose l’AFP à une condamnation pour diffamation. Qu’elle ne soit pas la seule à le faire, qu’est-ce que ça change, surtout venant d’un média comme le nôtre qui se veut volontiers exemplaire ? Dans le même temps, un ancien candidat à la dernière présidentielle, Jean Lassalle, était accusé de harcèlement par plusieurs femmes, dont une journaliste, sur le site Médiapart, sans qu’on en dise un mot ou si peu dans un papier général. Où est la cohérence ? Où est la ligne rédactionnelle ?

Témoignage refusé

La veille, la rédaction en chef avait refusé de publier le témoignage d’une ancienne membre d’un cabinet ministériel relatant le harcèlement dont elle avait été victime de la part du directeur du cabinet. Un témoignage substantiel, précis, détaillé, révélateur de l’état des moeurs dans une partie de l’appareil d’Etat et de l’impunité dont on y jouit. Or, la rédaction en chef a refusé de publier ce papier, au motif que la victime présumée, mais aussi l’agresseur présumé, n’étaient pas nommés. Ce qui compte dans cette histoire, c’est
(…)
la conviction que l’AFP a ou non de la crédibilité du témoignage. Et, pour le coup, le fait que l’agresseur ne soit pas identifié aurait plutôt dû nous pousser à publier ce récit fort instructif.
L’exigence d’identifier les personnes impliquées dans de tels faits ayant été posée par la rédaction en chef, le service politique a « déniché » d’ex-collaborateurs d’élus prêts à relater, à visage découvert, les agressions sexuelles subies. Peine perdue, la rédaction en chef préfère une enquête plus approfondie et globale, portant sur plus de cas.
Résumons : quand on recueille un témoignage éloquent mais anonyme, ça ne va pas ; quand on recueille un témoignage avec des personnes identifiées, ça ne va pas non plus. Mais quand c’est un média dit sérieux qui publie un témoignage avec des acteurs nommément désignés, on fonce.
Quel est le rôle de l’AFP dans la chaîne de l’information ? Est-ce qu’il consiste désormais systématiquement, dans les affaires sensibles, à s’abriter derrière d’autres médias pour relayer des informations alors même que la rédaction de l’AFP en a parfois connaissance ? Nous avions déjà pointé cette pratique au moment de « l’affaire Ferrand « .
La question est désormais lancinante et appelle une prise de position de la direction de l’Information. En particulier, approuve-t-elle ou non le traitement de « l’affaire Fornia/Joxe » ?

Le chien urineur

Pourtant, il est des fois où l’AFP n’étouffe pas les affaires importantes. La preuve. La rédaction en chef centrale a demandé de faire une dépêche, à partir d’une vidéo de LCI, sur le chien des Macron faisant ses besoins sur le coin d’une cheminée d’un salon de l’Elysée. Info tellement essentielle sans doute que l’AFP en a fait un tweet, ce qui nous a valu d’être éreinté sur les réseaux sociaux.

SNJ-CGT
Paris le 24/10/2017

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