Les syndicats français de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, membres de la Fédération internationale des Journalistes) tiennent pour illégale la condamnation en appel de six journalistes turcs à des peines de prison perpétuelle.
Une fois encore, le pouvoir de l’AKP du président turc Recep Tayyip Erdogan réprime la liberté d’expression. Le 2 octobre, la Cour d’appel d’Istanbul a lourdement condamné à des peines à vie pour terrorisme Nazlı Ilıcak, Ahmet Altan, Mehmet Altan, Fevzi Yazıcı, Yakup Şimşek et Şükrü Tuğrul Özşengül. Ils sont accusés d’avoir voulu renverser l’ordre constitutionnel et d’être en lien avec les auteurs de la tentative du coup d’Etat du 15 juillet 2016. En juin dernier, Mehmet Altan avait pourtant été remis en liberté provisoire, à la suite des décisions de la Cour constitutionnelle turque et de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Aujourd’hui, 183 journalistes croupissent dans les geôles du régime dont une majorité est détenue sans jugement. La Turquie détient ainsi le record mondial de journalistes emprisonnés. La profession est décapitée : 750 journalistes ont été privés de leur carte de presse. Des milliers d’autres sont au chômage. Plus de 150 journalistes ont été contraints à l’exil dont Can Dündar, l’ancien rédacteur en chef du dernier journal d’opposition Cumhuriyet (La République). Le président turc en visite à Berlin ces derniers jours a osé sommer le gouvernement d’Angela Merkel d’expulser Can Dündar, réfugié en Allemagne. Le chef de l’Etat turc voue une haine tenace au journal pour avoir révélé des ventes d’armes turques à des groupes djihadistes en Syrie. Ce quotidien vient en septembre de subir un « coup d’Etat » en interne avec le limogeage des anciens de la rédaction.
Depuis le coup d’Etat de 2016, près de 200 publications ont été suspendues. L’AKP contrôle aujourd’hui près de 80% des médias. De plus l’accès à Internet est régulièrement coupé et l’accès aux réseaux sociaux est restreint.
Face à cette répression massive contre nos confrères turcs et kurdes, face à ce déni de démocratie qui a lieu dans un pays membre du Conseil de l’Europe, il ne suffit plus –même si cela est nécessaire– de protester, ou, comme la France vient de le faire, de se dire « préoccupée » ou d’appeler « la Turquie à respecter pleinement ses engagements européens et internationaux et à garantir les règles de l’Etat de droit, la liberté de la presse et le droit de chacun à un procès équitable ».
Nous estimons avec la Fédération internationale des journalistes et le syndicat turc des journalistes, qu’il y a urgence à exiger de l’Europe –et de la France au premier chef– des mesures ad hoc pour rendre la liberté à nos confrères emprisonnés et réaffirmer le principe du pluralisme comme l’édicte la Convention européenne des droits de l’Homme.
Les syndicats français appelleront à un prochain rassemblement de solidarité à Paris avec tous les démocrates, les associations de défense des droits de l’Homme pour dire STOP ERDOGAN.
Paris, le 8/10/2018
SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes
Télécharger en PDF et en traitement de texte