Tribune commune
Depuis la fin de l’année 2020, plusieurs journalistes ont été, sont et seront empêchés par la police, sur « ordre de la préfecture », de couvrir les opérations d’évacuations des camps de migrants à Calais, Coquelles et Grande-Synthe. A la suite de ces entraves, deux d’entre eux ont décidé de déposer un référé-liberté afin que la justice enjoigne les préfectures du Nord et du Pas-de-Calais à laisser la presse travailler sereinement lors de ces opérations.
Le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur recours le 5 janvier dernier, au motif d’une “absence d’urgence” caractérisée, arguant que les interventions de la force publique visant à démanteler les camps de migrants étaient terminées et que ces journalistes ne pouvaient prouver leur volonté d’en couvrir de suivantes.
Or, Monsieur Tournaire, sous-préfet de Calais, a indiqué lors de l’audience puis confirmé en interview que des interventions similaires sont réalisées « toutes les 48 heures » au titre de la flagrance (et ce dès le matin du 5 janvier, confirmées par les bénévoles de Human Rights Observers à Calais, puis d’autres, comme l’attestent les travaux de nombreux journalistes sur place). Même si elles ne sont, en amont, jamais annoncées.
En évacuant cette requête, au motif d’une absence d’urgence, le Tribunal administratif de Lille n’a pas tiré les conclusions des propos tenus par les représentants de l’État. Il s’est bien gardé d’apporter un éclairage juridique sur le fond et sur un sujet d’une importance capitale : les atteintes répétées et systématiques des Préfectures du Nord et du Pas-de- Calais à la liberté d’informer sur les actions de l’État dans le Calaisis et à Grande-Synthe. Auraient alors été mis en balance le droit fondamental à la sécurité prôné par l’État, et la liberté fondamentale d’informer, socle essentiel d’une démocratie.
Il y a pourtant urgence, car il est important pour les journalistes de pouvoir travailler sans avoir à prévenir en amont les autorités. Il est également urgent, pour la justice, de protéger cette capacité en tant que journalistes de rapporter et d’analyser les actions et méthodes d’action des pouvoirs publics.
C’est donc, communément et avec le concours de plusieurs confrères et consoeurs entravés dans leur travail ces dernières semaines, que ces deux journalistes ont décidé de faire appel devant le Conseil d’Etat.
Nous, Sociétés Des Journalistes, rédactions, collectifs et syndicats, apportons notre soutien à leur requête et demandons à l’Etat de faire cesser ces atteintes à l’information.
Signataires : SNJ National, SNJ-CGT, SDJ de TF1, SDJ de Paris Match, SRM du Monde, SJP de Libération, SDJ de Mediapart, SDJ d’Arte, SDJ du Figaro, SDJ de l’Humanité, SDJ de TV5MONDE, SDJ de RFI, SDJ de Premières Lignes, SDR de l’Obs, SDJ de Radio France, SDJ d’Arrêt sur Images, SDJ de RMC, SDJ de Public Sénat, SDJ de Midi Libre, SDJ de France 2, SDJ de France 3 National, SDJ de la Tribune, SDR du Point, SDJ de Télérama, SDJ de BFMTV, SDJ franceinfoTV, SDJ du Média TV, SDJ de NRJ, SDJ d’Europe 1, SDJ des Echos, SDJ de RTL, SDJ de Challenges, SDJ de Courrier International, SDJ de France 24, SDJ de Marianne, SDJ de LCP, SDJ du JDD.
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