Un « droit voisin » pour gaver les actionnaires et les Gafa, c’est non !

0  -  Article mis à jour le 11 février 2021

Communiqué du SNJ-CGT

Le ministère de la Culture a présenté aux organisations syndicales représentatives de journalistes un projet de décret concernant les négociations en entreprises pour la répartition des droits voisins. Une nouvelle commission administrative sera ainsi créée, dédiée à la question, distincte de la Commission pour les droits d’auteurs des journalistes (CDAJ), mise en place fin 2011.

Cette commission « droits voisins » était définie dans la loi de juillet 2019 (texte de la loi ici), résultat de la transposition d’une directive européenne d’avril 2019 (texte de la directive ici), « tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse », et entraînant une « rémunération […] pour la reproduction et la communication au public des publications de presse sous une forme numérique ». La loi précise que la commission est « présidée par un représentant de l’Etat et composée, en outre, pour moitié de représentants des organisations professionnelles d’entreprises de presse et d’agences de presse représentatives et pour moitié de représentants des organisations représentatives des journalistes et autres auteurs ».

Cette annonce du ministère intervient quelques jours après la signature d’un accord entre l’Alliance de la presse d’information générale (1) et Google, qui « fixe les principes selon lesquels Google négociera des accords individuels de licence avec les membres de l’Alliance dont les publications sont reconnues d’Information Politique et Générale, tout en reflétant les principes fixés par la loi ». Le communiqué commun de l’Apig et de Google (lire ici) précise que « ces accords individuels de licence couvriront les droits voisins, et ouvriront l’accès à News Showcase, un nouveau programme de licence de publications de presse lancé récemment par Google, qui permettra aux lecteurs d’accéder à un contenu enrichi ».

Les deux signataires de l’accord Apig/Google affichent un grand enthousiasme.

Les deux signataires affichent un grand enthousiasme. Le président de l’Apig, Pierre Louette, PDG du Groupe Les Echos-Le Parisien, vante « une étape importante ». Le directeur général de Google France y voit la preuve de son « engagement auprès des éditeurs de presse » et se dit « heureux de contribuer à leur développement à l’ère du numérique et soutenir le journalisme ».

Cet accord est pourtant tout sauf une bonne nouvelle.

Cet accord est pourtant tout sauf une bonne nouvelle.

D’une part, il ne concerne que les membres de l’Apig. La direction de L’Equipe, par exemple, a clairement précisé aux représentants du personnel que le quotidien sportif est exclu du périmètre de cet accord, le contenu du journal ne relevant pas de « l’information politique et générale ». Et si le groupe L’Equipe peut bénéficier d’un certain poids, il n’en sera pas de même pour les « petits » titres indépendants. D’autre part, cet accord offre sur un plateau les millions de lecteurs des titres de l’Apig au service Google News Showcase, dont le développement se joue à l’échelle mondiale. Tout bénéfice pour les revenus publicitaires de la multinationale.

C’est une véritable bataille qui va s’ouvrir, dans toutes les formes de presse.

C’est une véritable bataille qui va s’ouvrir, dans toutes les formes de presse. Le SNJ-CGT ne doute pas que les éditeurs de la presse magazine (SEPM) et de la presse spécialisée (FNPS) trouveront aussi un accord avec Google. Mais, ensuite, les négociations avec les éditeurs seront difficiles. D’autant plus que les principes exposés par la loi de juillet 2019 sont bien faibles face à l’appétit des propriétaires des médias.

Le texte mentionne seulement que « les journalistes professionnels ou assimilés […] et les autres auteurs des œuvres présentes dans les publications de presse […] ont droit à une part appropriée et équitable de la rémunération ». La loi renvoie les « modalités de sa répartition » à « un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif ». Au besoin, « la commission recherche avec les parties une solution de compromis afin de parvenir à un accord » et « en cas de désaccord persistant, elle fixe la part appropriée […] ainsi que les modalités de sa répartition entre les auteurs concernés ».

Reste à savoir ce qu’un patron de presse estime être « une part appropriée et équitable »…

Reste à savoir ce qu’un patron de presse estime être « une part appropriée et équitable »… Pour l’instant, les rares velléités existantes visent plutôt à dénoncer l’actuel accord sur les droits d’auteur, pour en signer un nouveau, intégrant les droits voisins… avec un forfait annuel inchangé pour les journalistes.

Les journalistes ont des droits sur les revenus engendrés par leurs œuvres.

Le SNJ-CGT rejette d’ores et déjà toute conception d’un « droit voisin » servant à gaver les éditeurs, leurs actionnaires et les Gafa. Les journalistes, reconnus comme auteurs par le Code de la propriété intellectuelle, ont des droits sur les revenus engendrés par leurs œuvres. Ces revenus doivent également servir à développer l’emploi dans les rédactions et leurs moyens pour effectuer dignement leur mission d’information.

Montreuil, le 8 février 2021.

(1) L’Apig est née de l’union des syndicats patronaux de la presse quotidienne nationale, régionale et départementale et de la presse hebdomadaire régionale.

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