Lettre ouverte FIJ, FEJ, SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, Reporters en colère
Monsieur le Ministre,
Le jeudi 8 avril 2021, la journaliste et fondatrice du média Speak Up Channel, Nadiya Lazzouni, a indiqué sur Twitter avoir reçu une lettre anonyme de menace de mort à son domicile. Publiée par la journaliste, la lettre manuscrite contient des menaces à caractère raciste et sexiste dirigées à son encontre et contre l’ensemble de la communauté musulmane : « Nous vous expulserons au bulldozer bande de p…. islamistes » ; « Gardes ton chiffon » ; « Nous viserons mieux petite effrontée. Il se remplira de ta cervelle de m…. » ; « Certains appelleront leurs mères avant de prendre une balle dans la nuque » ; « la France sera vierge de tout musulman et islamiste ». Madame Lazzouni a indiqué avoir demandé une protection policière. Ce qu’elle n’a toujours pas à l’heure où nous écrivons cette lettre.
Madame Lazzouni a indiqué avoir demandé une protection policière. Ce qu’elle n’a toujours pas à l’heure où nous écrivons cette lettre.
Le 29 mars 2021, la journaliste Morgan Large a constaté que sa voiture avait été sabotée, deux boulons ayant été retirés d’une roue. Morgan Large travaille pour la radio bilingue franco-bretonne Kreiz Breizh. Elle est connue pour ses enquêtes sur le secteur agricole en Bretagne. Le sabotage de sa voiture garée près de sa maison est le dernier acte d’intimidation en date contre elle et sa famille. Il s’ajoute à la longue liste des menaces et faits délictueux dont elle a fait l’objet en raison de son travail. En novembre dernier, les portes des locaux de Radio Kreiz Breizh ont été brisées, sans aucun signe d’intrusion, après la diffusion d’un documentaire dans lequel Morgan Large était interviewée. En janvier dernier, son chien a été empoisonné. Des appels téléphoniques nocturnes anonymes et des messages de menace à son adresse et à celle de Radio Kreiz Breizh ont également été signalés à la police.
Morgan Large a indiqué avoir demandé une protection policière. Ce qu’elle n’a toujours pas à l’heure où nous écrivons cette lettre.
Morgan Large a indiqué avoir demandé une protection policière. Ce qu’elle n’a toujours pas à l’heure où nous écrivons cette lettre.
Ces deux affaires ont été publiées sous forme « d’alertes » par les Fédérations internationale et européenne des journalistes (FIJ/FEJ) sur la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes du Conseil de l’Europe et n’ont fait l’objet d’aucune réponse de la part de la France à Madame Marija Pejčinović Buric, la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, à l’heure où nous écrivons cette lettre.
Monsieur le Ministre, il est de votre responsabilité de tout mettre en œuvre pour protéger immédiatement la vie de ces deux journalistes.
Monsieur le Ministre, il est de votre responsabilité de tout mettre en œuvre pour protéger immédiatement la vie de ces deux journalistes, deux jeunes femmes, attaquées, menacées, violentées parce qu’elles n’ont rempli que leur mission d’informer.
Au Kenya, le 7 avril, notre consoeur de la télévision nationale Betty Mutekhele Barasa a été assassinée chez elle à Nairobi. Elle a été visée parce qu’elle était journaliste.
Dans le Nord-Est de l’Afghanistan, le 2 mars dernier, Mursal Wahidi, Sadia Sadat et Shahnaz Roafi, trois jeunes femmes journalistes pour la télévision Enikass TV, ont été assassinées froidement par des tireurs embusqués. Elles aussi ne faisaient que remplir leur mission d’informer.
Et nous n’oublions pas le drame qui a endeuillé la profession en Grèce le 9 avril, lorsque notre confrère Giorgos Karaivaz a lui aussi été assassiné devant chez son domicile.
Le modus operandi est toujours le même : viser des journalistes pour les faire taire, pour les empêcher de faire leur travail.
Le modus operandi est toujours le même : viser des journalistes pour les faire taire, pour les empêcher de faire leur travail.
Monsieur le Ministre, cette lettre se veut solennelle et grave car la Fédération internationale des journalistes (FIJ), première organisation mondiale de la profession avec 600 000 membres répartis dans 150 pays, vit ces drames en moyenne deux fois par semaine depuis 1990. En 30 ans, la profession a perdu près de 2800 journalistes dans le monde, soit deux par semaine (!), et ses rapports annuels montrent que ce ne sont plus dans les pays en guerre qu’on assassine les journalistes. Plus aucune démocratie n’est épargnée aujourd’hui.
La France, 6e puissance mondiale, bénéficie de tous les moyens nécessaires pour que cesse cette escalade de menaces, d’intimidations et de violences.
La France, dont le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 a secoué le monde entier et entraîné partout des manifestations massives en faveur de la liberté d’informer et d’être informé, se doit d’agir immédiatement pour que Nadiya Lazzouni et Morgan Large puissent poursuivre leur travail en toute sécurité.
La France, 6e puissance mondiale, bénéficie de tous les moyens nécessaires pour que cesse cette escalade de menaces, d’intimidations et de violences. Il en va de la liberté d’expression. Il en va de la démocratie.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Anthony Bellanger
Secrétaire général de la FIJ
Ricardo Gutierrez
Secrétaire général de la FEJ
Emmanuel Poupard
Premier secrétaire général du SNJ
Emmanuel Vire
Secrétaire général du SNJ-CGT
Laurent Villette
Secrétaire général de la CFDT-Journalistes
Taha Bouhafs
Reporters en colère
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