Tribune cosignée par la CGT
Quarante ans après la dépénalisation de l’homosexualité, une prise de parole, au plus haut niveau de l’État, est nécessaire pour reconnaître le passé homophobe de la France: depuis le régime de Vichy jusqu’en 1982, la justice française a condamné, au nom de l’article 331 du Code pénal, des milliers d’homosexuels, entraînant leur persécution policière.
« Il est temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels », lança devant l’Assemblée nationale Robert Badinter, ministre de la Justice, en vue d’obtenir l’abolition, avec la députée Gisèle Halimi, de la dernière loi fondant la persécution des homosexuels en France, le 4 août 1982. Alors que nous commémorons cette année les 40 ans de cette dépénalisation de l’homosexualité, il est temps pour la France de solder, toujours selon la formule de Badinter, cette « époque odieuse de notre histoire ».
Plusieurs milliers d’hommes, dans l’immense majorité des cas, ont été poursuivis et condamnés « au nom du peuple français » pour avoir simplement eu des relations sexuelles consenties avec d’autres hommes.
Plusieurs milliers d’hommes, dans l’immense majorité des cas, ont été poursuivis et condamnés « au nom du peuple français » pour avoir simplement eu des relations sexuelles consenties avec d’autres hommes. Le président de la République de l’époque, François Mitterrand, avait fait adopter une loi d’amnistie effaçant les peines prononcées pour délit d’homosexualité. Mais l’histoire n’est pas une ardoise, et l’effacement de leur casier judiciaire n’a pas réparé les vies brisées des victimes.
Une parole nécessaire
Aux milliers de condamnés il faut ajouter ceux, innombrables, qui ont connu les effets de la répression, les raids dans les lieux de rencontres, le « panier à salade » de la police où les homosexuels étaient embarqués comme des criminels. Finalement, par
cette épée de Damoclès placée au-dessus de leur tête, c’est toute une génération de personnes LGBTQI+ qui a vécu dans la peur, sous la menace de la loi homophobe. Beaucoup, comme Michel Chomarat, sont encore vivants.
C’est toute une génération de personnes LGBTQI+ qui a vécu dans la peur, sous la menace de la loi homophobe. Cette tache dans notre histoire doit désormais être reconnue par une prise de parole au plus haut niveau de l’État.
Cette tache dans notre histoire doit désormais être reconnue par une prise de parole au plus haut niveau de l’État. La Norvège l’a fait cette année, dans un discours du Premier ministre à l’occasion du 50e anniversaire de la dépénalisation de l’homosexualité: « Je tiens au nom du gouvernement norvégien à demander pardon, parce que des personnes homosexuelles ont été traitées comme des criminels et poursuivies par les autorités norvégiennes. »
L’Allemagne, de son côté, indemnise financièrement les victimes de son paragraphe 175 qui criminalisait l’homosexualité: 3.000 euros par condamnation, 1.500 euros pour chaque année passée en prison, 500 euros pour chaque enquête ouverte, etc. À son tour, la France doit reconnaître, réhabiliter, voire indemniser les victimes de sa répression anti-gay.
Liste des premières signatures:
- Association des avocats LGBT+
- Amnesty International France
- Christine Bard, historienne, spécialiste de l’histoire des femmes
- Julien Bayou, secrétaire national d’EELV
- Laurent Berger, premier secrétaire de la CFDT
- Dominique Boren, président de l’association de parents gays et lesbiens
- Corinne Bouchoux, ancienne sénatrice ouvertement lesbienne
- Sam Bourcier, sociologue, membre du collectif archives LGBTQI+
- Ian Brossat, porte-parole du Parti communiste français
- Johan Cavirot, président de FLAG!
- Confédération générale du travail (CGT)
- Benoît Chabert, avocat au barreau de Paris, ancien membre du Conseil de l’Ordre
- Christian Charrière-Bournazel, avocat, ancien bâtonnier de Paris, ancien président du Conseil national des barreaux
- Antoine Chassignoux, président d’Act Up-Paris
- Michel Chomarat, ancien condamné pour homosexualité
- Sophie Delannoy, présidente de la fondation Le Refuge
- Joël Deumier, militant LGBTI, ancien président de SOS homophobie
- Fatima Daas, autrice de La Petite dernière
- Rokhaya Diallo, autrice, militante féministe et antiraciste
- Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste
- Matthieu Gatipon, président de Couleurs gaies, porte-parole de l’Inter-LGBT
- Olivier Guilbaud, avocat au barreau de Paris, ancien membre du conseil de l’Ordre et du Conseil national des barreaux
- Pierre Karleskind, député européen Renaissance
- Sébastien Landrieux, historien spécialiste des homosexualités dans le Nord
- Jack Lang, ancien ministre, président de l’IMA
- Noël Mamère, maire de Bègles, ancien candidat à l’élection présidentielle
- Christophe Martet, rédacteur en chef de Komitid et militant contre le sida
- Alexandre Mattiussi, créateur de mode, fondateur de AMI
- Caroline Mecary, avocate au barreau de Paris, candidate France insoumise aux législatives à Paris
- Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise
- Philippe Poutou, ancien candidat NPA à l’élection présidentielle
- Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la mairie de Paris et militant contre le sida
- Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français
- Olivier Saumon, avocat au barreau de Paris, ancien membre du Conseil de l’Ordre
- Régis Schlagdenhauffen, socio-historien, titulaire de la chaire de Socio-histoire des catégories sexuelles à l’EHESS
- Camille Spire, présidente de Aides
- Louis-Georges Tin, initiateur de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie
- Anne Tonglet, victime en 1974 lors du procès d’Aix-en-Provence
- Sébastien Tüller, responsable LGBTI+ chez Amnesty International France
- Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales (ADFH)
- Mélanie Vogel, sénatrice EELV des Français de l’étranger
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