Nous, jeunes femmes journalistes en formation, dénonçons le sexisme qui règne dans la profession avant même l’embauche

0  -  Article mis à jour le 24 novembre 2023

Tribune

«Toi, tu vas l’avoir ton stage…» Cette phrase, on voudrait l’entendre après une présentation réussie. Pas lors d’une soirée, de la bouche d’un homme de l’âge de notre père qui nous la glisse à l’oreille d’un ton chargé de sous-entendus.

Chaque année, le congrès de la Presse Hebdomadaire Régionale (PHR) rassemble de nombreux éditeurs de presse locale. Les étudiants de la licence professionnelle « Presse de proximité » de l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille) sont traditionnellement conviés. Mi-juin, à Laval, nous y avons donc présenté notre travail de l’année, un magazine thématique et deux quotidiens édités durant le congrès.

Si nous avons été félicitées pour notre travail, nous nous sommes également senties humiliées, parfois considérées comme des proies. «J’informais les personnes présentes qu’elles pouvaient participer à un quiz avec un panier garni à la clé, un homme m’a répondu avec un sourire: « C’est vous, le lot à gagner? »»

Si nous avons été félicitées pour notre travail, nous nous sommes également senties humiliées, parfois considérées comme des proies. «J’informais les personnes présentes qu’elles pouvaient participer à un quiz avec un panier garni à la clé, un homme m’a répondu avec un sourire: « C’est vous, le lot à gagner? »»

Scénario similaire en distribuant les journaux à l’entrée. «Un homme s’est approché. Je lui ai tendu un journal. Il m’a dit qu’il aimerait me présenter à plein de collègues en me reluquant. Je lui avais juste dit bonjour.» Ce n’est pas nouveau, la promotion d’il y a vingt-trois ans faisait déjà état de «propositions douteuses et de blagues graveleuses».

Une fois la journée de conférences terminée, mettez des éditeurs, employeurs potentiels, face à de jeunes femmes journalistes en pleine construction professionnelle, arrosez le tout d’alcool et vous obtiendrez une atmosphère malsaine. Regards insistants, remarques déplacées et gestes malvenus, le congrès a été un concentré de ces violences que nous pouvons subir dans l’exercice de notre profession.

Une fois la journée de conférences terminée, mettez des éditeurs, employeurs potentiels, face à de jeunes femmes journalistes en pleine construction professionnelle, arrosez le tout d’alcool et vous obtiendrez une atmosphère malsaine. Regards insistants, remarques déplacées et gestes malvenus, le congrès a été un concentré de ces violences que nous pouvons subir dans l’exercice de notre profession. Ces actes, signalés dès le lendemain aux organisateurs de l’événement, répondent à la définition de l’outrage sexiste ou sexuel aggravé, un délit puni d’une amende de 3.750 €.

Nous relayons l’actualité locale et nationale. C’est notre métier. Nous décrivons des réalités. Nous témoignons aujourd’hui de cette atmosphère étouffante, non sans difficulté face aux pressions dont nous avons pu faire l’objet.

Ce malaise, nous le vivons aussi dans nos rédactions locales, isolées, où nous n’avons parfois qu’une poignée de collègues et pas toujours de syndicats sur place à qui nous adresser.

Ce malaise, nous le vivons aussi dans nos rédactions locales, isolées, où nous n’avons parfois qu’une poignée de collègues et pas toujours de syndicats sur place à qui nous adresser. Nous sommes fatiguées de ne pas être écoutées. Quand la profession changera-t-elle? Combien d’écoles devront faire attention à ne pas envoyer de jeunes femmes dans certains journaux, dans certaines rédactions? Combien d’entre nous renonceront à leur rêve par peur de violences? Les mentalités doivent profondément évoluer. Le journalisme est, aussi, un métier de femmes. Nous y avons toute notre place. Nous ne tolérerons pas ces violences.

Les femmes de la 28e promotion de la licence Presse de proximité de l’ESJ Lille.

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