Réseaux sociaux: le guide du bon soldat de France Télévisions

0  -  Article mis à jour le 24 janvier 2024

Communiqué de la CGT France Télévisions

Voici donc un «guide» censé réguler le comportement des salariés de France Télévisions sur les réseaux sociaux. Il s’applique à tous les salariés. Et pourtant, il n’a fait l’objet que d’une information en commission déontologie des journalistes.

Cela le rend caduc, à la base, puisque si les journalistes ont pu donner leur point de vue concernant leur profession, il n’en a pas été de même pour les autres catégories de personnel. Aucun passage devant les instances malgré des incidences potentiellement importantes pour tous les salariés.

Circulez, y’a rien à voir!

Lorsque le 16 janvier dernier, il a été présenté aux organisations syndicales, toute profession confondue, il était trop tard. Impossible de le modifier, malgré les tentatives de la CGT au cours de cette réunion.

Mais la direction se veut rassurante, comme si elle voulait minimiser les implications de ce «guide». Elle prétend qu’il n’est question que de «conseils», de «recommandations» et qu’en aucun cas, elle pourrait s’en servir pour sanctionner un salarié.

Un amalgame trompeur

La direction entretient un flou juridique, d’autant plus lorsque le guide reprend des éléments légaux qui sont opposables aux salariés, ce qui crée un forme d’amalgame pour pousser chacun à respecter toutes les dispositions de ce guide. Un certain nombre de celles-ci reprennent exactement dans les mêmes termes celles de la charte déontologique de Franceinfo. Or, l’évolution de la jurisprudence montre que de plus en plus d’entreprises se basent sur ces chartes pour sanctionner le comportement de leurs salariés.

Même si certains rappels contenus dans ce guide sont les bienvenus, comme ceux qui relèvent de la loi (ne pas tenir de propos injurieux, diffamatoires, haineux, etc. sur les réseaux sociaux), il n’en est pas de même de plusieurs formulations, qui sont potentiellement dangereuses pour la liberté d’expression, notamment des journalistes.

Même si certains rappels contenus dans ce guide sont les bienvenus, comme ceux qui relèvent de la loi (ne pas tenir de propos injurieux, diffamatoires, haineux, etc. sur les réseaux sociaux), il n’en est pas de même de plusieurs formulations, qui sont potentiellement dangereuses pour la liberté d’expression, notamment des journalistes.

Par exemple: «N’exprimez pas d’opinion politique partisane, en particulier pendant les périodes de campagne électorale (…)». Là, on n’est plus dans le conseil mais dans l’injonction. Même si le terme «partisan» est entendu dans le sens de soutien à un parti, il risque de contraindre les journalistes à limiter leur expression aux seuls sujets qui ne sont pas «politiques». En gros, lorsque vous tweetez sur votre téléphone, ne parlez que de recettes de cuisines ou du sexe des anges. Une phrase sur un sujet susceptible d’apparaître dans le programme ou les déclarations de personnalités politiques peut vous être reprochée.

Autre formulation problématique: «Sur les faits d’actualité, ne dites pas sur les réseaux sociaux ce que vous ne diriez pas à l’antenne (…)». Pour la direction, vous êtes donc tenus à la même impartialité sur les réseaux sociaux que sur le service public. Vous ne pouvez pas dire «je suis pour», ou «je suis contre», vous devez respecter le contradictoire, nuancer vos déclarations, contrebalancer vos propos par d’autres points de vue que le vôtre. Pour la CGT, qui se bat depuis des années contre la caporalisation des rédactions et la perte d’autonomie des journalistes, c’est inadmissible.

Contrôle de la pensée?

En somme, ce que prétend la direction de France Télévisions avec ce «guide», c’est contrôler l’expression de ses journalistes, au-delà même de leur activité professionnelle.

Vous êtes tout le temps les représentants du service public, et vous devez être vierge de tout engagement, de toute opinion politique, sociale, économique. Vous n’êtes qu’un bon soldat de France Télévisions, dans le civil comme à l’antenne, ce qui est contradictoire avec le droit fondamental de tout citoyen à la liberté d’expression.

Vous êtes tout le temps les représentants du service public, et vous devez être vierge de tout engagement, de toute opinion politique, sociale, économique. Vous n’êtes qu’un bon soldat de France Télévisions, dans le civil comme à l’antenne, ce qui est contradictoire avec le droit fondamental de tout citoyen à la liberté d’expression.

Pour l’instant, il n’y a pas de sanctions, mais qu’en sera-t-il demain? Juridiquement ce texte ne peut être contraignant et aboutir à des sanctions disciplinaire car il n’est pas annexé au règlement intérieur de France Télévisions mais il peut très bien servir à écarter des journalistes de certains sujets, y compris des élus et mandatés, lorsqu’ils émettent en public des critiques sur le fonctionnement de leur entreprise, ou des opinions sur des sujets clivants, c’est-à-dire presque tous les sujets politiques, économiques ou sociaux.

La CGT demande donc le retrait de ce texte ou la modification de ses dispositions les plus dangereuses pour la liberté d’expression, valeur à laquelle tous les membres de notre organisation sont attachés, qu’ils soient journalistes ou non.

Paris, le 23 janvier 2024.

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