Plaidoyer du SNJ-CGT à l’Arcom
Au lendemain d’une campagne des législatives marquées par la propagande et la diffusion de fausses informations en période électorale, le SNJ-CGT demande solennellement à l’Arcom de ne pas renouveler les fréquences de CNews et C8.
Nous sommes un syndicat de journalistes, et depuis dix ans, nous constatons les graves dérives de ces chaînes, pour lesquelles 44 mises en garde, mises en demeure et amendes ont été prononcées par votre organisme.
Quelques exemples:
- Le 10 juillet 2024: condamnation de CNews à une amende de 80.000 euros pour manquement à ses obligations lors d’un débat où les invités ont déclaré que «l’immigration tue»
- Mai 2024: condamnation de CNews à une amende de 50.000 euros pour des propos diffamatoires affirmant que l’antisémitisme et la surpopulation carcérale étaient liées à «l’immigration arabo-musulmane»
- Mars 2024: mise en garde de C8 pour un baiser forcé et des attouchements envers une chroniqueuse
- Mars 2024: mise en garde de CNews pour des propos établissant un lien entre l’immigration, l’hygiène et les punaises de lit
- Janvier 2024: condamnation de CNews à une amende de 50.000 euros pour la présentation faussée d’un sondage sur la dangerosité supposée de la ville de Paris
- Juillet 2023: condamnation de C8 à une amende de 50.000 euros pour des propos évoquant la consommation supposée par certaines personnalités d’une substance présentée comme issue du sang d’enfants kidnappés et sacrifiés
- Juin 2023: mise en garde de C8 suite à l’invitation en plateau de faux policiers de la BRAV-M
- Mai 2023: condamnation de C8 à une amende de 300.000 euros pour injure envers la maire de Paris Anne Hidalgo
- Février 2023: condamnation de C8 à une amende de 3.500.000 euros pour injures répétées envers Louis Boyard, député de la France Insoumise
- Mai 2022: mise en demeure de CNews pour des propos négationnistes d’un chroniqueur affirmant que le ghetto de Varsovie aurait été mis en place pour raisons sanitaires
- Février 2022: mise en garde de CNews pour visualisation erronée d’un sondage avant le premier tour de l’élection présidentielle
- Octobre 2021: mise en garde de C8 pour avoir diffusé en prime time un film délivrant un message hostile à l’IVG
- Juin 2021: mise en demeure de CNews pour non-déclaration du temps de parole d’un candidat RN invité dans plusieurs émissions
La longue liste de ces sanctions, mises en demeures et mises en garde n’a eu aucun effet sur la ligne éditoriale de CNews et C8, qui fonctionnent comme des organes de propagande au service des idées d’extrême droite.
La longue liste de ces sanctions, mises en demeures et mises en garde n’a eu aucun effet sur la ligne éditoriale de CNews et C8, qui fonctionnent comme des organes de propagande au service des idées d’extrême droite.
Vincent Bolloré, propriétaire de ces deux chaînes ne s’en cache pas, il met sa fortune et les organes de presse qu’il possède au service d’un projet politique.
Au lendemain des élections européennes, il a joué un rôle majeur dans le ralliement d’Eric Ciotti, président des Républicains, au Rassemblement National, comme l’ont montré nos confrères du Monde.
Pendant la campagne pour les législatives anticipées de juin 2024, Vincent Bolloré a remanié la grille d’Europe 1 pour installer une émission quotidienne, animée par Cyril Hanouna, entièrement dévolue à relayer des messages en faveur du vote RN.
Cette séquence et les sanctions prises depuis 10 ans ont montré que les moyens d’action de l’ARCOM ne peuvent pas empêcher l’utilisation d’un média ou d’une émission comme un outil de propagande.
Le jeudi 27 juin, l’ARCOM a d’ailleurs publié une mise en garde pour manque de «mesure» et «d’honnêteté» dans cette émission. «Il résulte ainsi des comptes rendus d’écoute que lors des émissions “On marche sur la tête” des 17 au 25 juin 2024, l’actualité électorale de La France insoumise et du Nouveau Front populaire, coalition des principales formations de gauche, a été traitée de manière systématiquement critique et virulente, en des termes souvent péjoratifs et outranciers.»
Mais le mal était fait. Cette séquence et les sanctions prises depuis 10 ans ont montré que les moyens d’action de l’Arcom ne peuvent pas empêcher l’utilisation d’un média ou d’une émission comme un outil de propagande.
Cela est particulièrement grave dans le cadre de la campagne des législatives de 2024 dont le résultat s’annonçait particulièrement incertain et aurait pu permettre l’accession au pouvoir d’un gouvernement dirigé par l’extrême droite.
Dans le même temps, les médias pour lesquels nous travaillons, les chaînes du groupe France Télévisions, les stations de Radio France et les médias audiovisuels privés, veillent au respect des règles démocratiques, surveillent les temps de parole et assument les contraintes de l’équilibre entre les différentes formations politiques, même si cela représente un effort assuré notamment par nos rédactions en chef et les documentalistes.
Nous observons également que le fonctionnement de C8 et CNews a des effets délétères sur toute la profession.
A l’issue de cette campagne, nous constatons plus que jamais que nous n’avons pas les mêmes règles du jeu que les médias détenus par Vincent Bolloré.
Nous observons également que le fonctionnement de C8 et CNews a des effets délétères sur toute la profession.
Au-delà de la brutalité avec laquelle des rédactions entières ont été écartées, licenciées ou poussées à la démission chez CNews, Europe 1 ou Le Journal du Dimanche, nous voyons cette propagande contaminer progressivement le fonctionnement de nos médias.
Cela passe, par exemple, par la reprise de thématiques lancées sur CNews par une large partie du monde politique. Ainsi, à la rentrée 2023, nombre de reportages et de débats politiques ont été consacrés au port de l’abaya dans les établissements scolaires, alors que cela ne concernait qu’une infime minorité d’élèves. Cette polémique artificielle a occulté le problème bien plus urgent du nombre de classes pour lesquelles il n’y avait pas d’enseignants.
Pour toutes ces raisons, notre syndicat de journalistes vous demande de mettre un terme à une dérive qui atteint toute notre profession, à des degrés divers, en refusant de renouveler les fréquences de CNews et C8.
Cela se traduit également par des choses plus insidieuses, lorsque nos rédactions reprennent des injonctions ou des termes dont on peut souvent remonter l’origine au matraquage permanent assuré par CNews. Ainsi, la consigne de ne pas employer le terme «extrême droite» pour parler du Rassemblement National. Ou encore l’utilisation de l’expression «les extrêmes» pour placer sur le même plan des partis comme le RN et la France Insoumise, que le Conseil constitutionnel classe pourtant parmi la gauche classique.
Pour toutes ces raisons, notre syndicat de journalistes vous demande de mettre un terme à une dérive qui atteint toute notre profession, à des degrés divers, en refusant de renouveler les fréquences de CNews et C8.
De nombreux candidats portent des projets tout à fait légitimes et plus à même de servir l’intérêt du public, qu’il s’agisse d’information ou de divertissement.
Montreuil, le 17 juillet 2024.
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