AFP: « No comprendo »? La direction veut-elle encore d’expats hispanophones?

0  -  Article mis à jour le 11 décembre 2024

Communiqué SNJ-CGT AFP

Notre production en espagnol a-t-elle encore un avenir? Si oui, animée par qui et dans quelles conditions de travail? Depuis plusieurs mois, la direction de l’AFP prépare les esprits à une disparition de plusieurs postes expats du réseau hispanophone. Il ne reste actuellement déjà plus que cinq postes de reporters hispanophones de droit français: Bruxelles, Londres, Madrid, New York et Washington.

Depuis plusieurs mois, la direction de l’AFP prépare les esprits à une disparition de plusieurs postes expats du réseau hispanophone.

Et ceux-ci sont clairement dans le viseur alors qu’un rapport de la direction, attendu depuis des mois, doit être communiqué en janvier.

Le poste de Rome, chargé également du Vatican, a déjà disparu l’an dernier au gré d’un départ en retraite non remplacé, malgré l’importance de l’Église catholique dans le monde hispanophone et alors que le pape est un Argentin, de surcroît extrêmement médiatique.

Grève historique

Les journalistes hispanophones fournissent un travail essentiel à la production de l’AFP, toutes langues confondues, en couvrant des sujets qui ne le sont pas par les reporters travaillant dans d’autres langues, l’enrichissant par une diversité de sensibilités, de connaissances, de points de vue et de sources propres.

Les journalistes hispanophones fournissent un travail essentiel à la production de l’AFP, toutes langues confondues, en couvrant des sujets qui ne le sont pas par les reporters travaillant dans d’autres langues, l’enrichissant par une diversité de sensibilités, de connaissances, de points de vue et de sources propres.

Les éléments qui filtrent sur les intentions de la direction sont glaçants: au moins trois postes d’expats seraient rayés de la carte… voire les cinq! Et nous ne parlons pas de «localisations», c’est- à-dire de transformation en postes de droit local, aux conditions de travail moins bonnes et aux perspectives de mobilité proches du néant, mais purement et simplement de suppressions!

Cela constituerait une violation de l’engagement de la direction, à la suite de la grève historique de la rédaction en juin dernier, de geler la réduction de postes de statut Siège.

Et cela porterait également un coup fatal au réseau hispanophone de l’AFP, et par conséquent à la richesse éditoriale d’une agence dont la mission d’intérêt générale (MIG) prévoit notamment d’«assurer l’existence d’un réseau d’établissements lui conférant le caractère d’un organisme d’information à rayonnement mondial», destiné «aux usagers français et étrangers». L’Etat français paye d’ailleurs pour financer cette MIG qui, en contrepartie, nous oblige.

Travail de sources

Les postes aujourd’hui menacés sont des piliers fondamentaux de la production. Comment imaginer la couverture des marchés financiers mondiaux sans le poste de Londres? Ou les négociations du Mercosur et le sort des indépendantistes catalans sans le poste de Bruxelles? Que dire de la couverture de l’actualité à Madrid, l’une des principales villes de la diaspora latino-américaine dans le monde, ainsi que New York, siège des Nations Unies, et Washington où est installée l’Organisation des États américains? Tout sera-t-il traité depuis un desk où l’intelligence artificielle remplacerait progressivement les journalistes?

Contrairement à certaines idées reçues, les journalistes hispanophones ne travaillent pas que pour le fil espagnol. Leur production, des deux côtés de l’Atlantique et à Hong Kong, nourrit les fils des autres langues. Leur expertise et leur savoir-faire permettent d’entretenir un carnet d’adresses très profitable pour l’agence.

Contrairement à certaines idées reçues, les journalistes hispanophones ne travaillent pas que pour le fil espagnol. Leur production, des deux côtés de l’Atlantique et à Hong Kong, nourrit les fils des autres langues.

Leur expertise et leur savoir-faire permettent d’entretenir un carnet d’adresses très profitable pour l’agence, avec des contacts auprès d’instances hispanophones, qui ont tendance à faire plus confiance à des journalistes qui leur parlent dans leur langue maternelle. En témoigne la couverture des COP climat, où des sources latino-américaines, qui cherchent à placer leur agenda, nous ont permis d’obtenir des infos capitales.

Et comment imaginer que nos journalistes hispanophones continueront à faire leur travail avec la même motivation s’ils n’ont plus d’autres perspectives de carrière que de faire du desk à Paris ou d’accepter, pour partir sur le terrain, des postes de droit espagnol, colombien, vénézuélien… avec les salaires et conditions au rabais qui vont avec?

Que dira-t-on aux journalistes hispanophones en CDD, à Paris et à Hong Kong, présents pour la plupart à l’agence depuis des années, qui n’auront plus aucune perspective de titularisation ?

«Négligence fautive»

Aujourd’hui, la production en espagnol à l’AFP est attaquée avec la même tactique que celle utilisée à d’autres occasions pour démanteler des services qui possédaient une réelle expertise et un savoir- faire comme récemment avec la Documentation multimédia, ou plus anciennement le desk économique.

D’abord on minimise l’importance voire la qualité de la production, ensuite on commande un rapport dont l’issue est biaisée dès le départ. Entre-temps, on laisse dépérir l’activité et le service: les départs ne sont pas remplacés, et on livre à l’incertitude et au mal-être des journalistes qui se démènent pour compenser la raréfaction des effectifs. Le tout avec une forme de dédain et dans une grande opacité.

Bref, une nouvelle fois de la casse éditoriale au mépris de l’humain, comme ce que la direction entend mettre en œuvre en voulant fermer le bureau de Nicosie. Ces projets augurent également de menaces pour le service francophone, lui aussi soumis à de fortes pressions à la baisse.

Bref, une nouvelle fois de la casse éditoriale au mépris de l’humain, comme ce que la direction entend mettre en œuvre en voulant fermer le bureau de Nicosie.

Ces projets augurent également de menaces pour le service francophone, lui aussi soumis à de fortes pressions à la baisse. Ce qui a des conséquences sur la qualité de la copie, plus souvent issue de traductions voire de retraductions, et donc avec un risque d’erreurs et approximations accru.

L’argument ressassé selon lequel les clients hispanophones ne rapportent pas assez d’argent ne convainc pas. A-t-on essayé de réellement les retenir? Quelle stratégie commerciale est mise en œuvre? Pense-t-on vraiment qu’on pourra les attirer en réduisant toujours plus la voilure dans le réseau, en refusant les missions des journalistes hispanophones affectés au desk?

Au-delà des clients hispanophones, une couverture exigeante et plurielle d’un monde complexe comptant 21 pays, et près de 500 millions de personnes dont la langue maternelle est l’espagnol, peut-elle être tout simplement balayée d’un revers de la main?

Au-delà des clients hispanophones, une couverture exigeante et plurielle d’un monde complexe comptant 21 pays, et près de 500 millions de personnes dont la langue maternelle est l’espagnol, peut-elle être tout simplement balayée d’un revers de la main? Est-ce bien sérieux pour une agence mondiale qui fait de sa diversité et son professionnalisme un fer de lance de se désengager ainsi, au risque de perdre un éclairage précieux?

En outre, l’AFP se targue d’être la seule agence européenne d’envergure mondiale, et ne pas inclure l’espagnol dans cette approche culturelle européenne relève d’une négligence fautive.

Le SNJ-CGT se battra de toutes ses forces pour empêcher la casse de la production en espagnol!

Paris, le 9 décembre 2024.

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