« Cette journée du 7 janvier restera toujours dans nos mémoires à toutes et tous »

0  -  Article mis à jour le 13 janvier 2025

Discours de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT

Photo Bapoushoo

Ce texte est celui de la prise de parole de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, lors de l’hommage aux victimes de l’attentat de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015, organisé par le SNJ, le SNJ-CGT et la CFDT-Journalistes ce 7 janvier 2025, rue Nicolas-Appert, à Paris, devant les anciens locaux du journal.

Je tiens d’abord à remercier les organisations syndicales de journalistes d’avoir organisé ce rassemblement en hommage aux victimes de l’attentat de Charlie Hebdo.

Il y a dix ans, le mercredi 7 janvier 2025 au matin, se tenait à quelques mètres d’ici la conférence de rédaction hebdomadaire de Charlie. 
Une conférence de rédaction, c’est le symbole même de l’exercice de la liberté d’expression: on y discute des sujets qui seront développés dans la prochaine édition, du contenu de la «une», on échange, on débat, on argumente, on défend son point de vue… parfois on s’engueule…

Une conférence de rédaction, c’est le symbole même de l’exercice de la liberté d’expression: on y discute des sujets qui seront développés dans la prochaine édition, du contenu de la «une», on échange, on débat, on argumente, on défend son point de vue… parfois on s’engueule… Et parfois on rit aussi…

Et parfois on rit aussi… particulièrement dans un journal satirique comme Charlie Hebdo, un des rares titres à faire encore la part belle au dessin de presse. Charlie Hebdo, une rédaction qui revendique son droit à rire de tout y compris de la religion.

Mais en fin de matinée, c’est dans le sang que cette conférence de rédaction s’est achevée, 12 morts ‐ les dessinateurs Cabu, Honoré, Wolinski, Charb, Tignous, l’économiste Bernard Maris, la psychanalyste Elsa Cayat, le correcteur Mustapha Ourrad, Michel Renaud, militant associatif, les policiers Franck Brinsolaro et Ahmed Merabet, Frédéric Boisseau, agent de maintenance ‐ tués à l’arme de guerre, un massacre effroyable. Suivis par le meurtre d’une policière municipale et de quatre clients et salariés de l’Hyper Casher, assassinés parce que juifs.

Et chez les survivantes et les survivants, cet attentat a causé des blessures et des traumatismes qui, dix ans après, sont toujours ouverts. Certains, comme Coco et Philippe Lançon, en ont brillamment témoigné. D’autres, comme Simon Fieschi grièvement blessé et traumatisé par le drame nous a malheureusement quitté en octobre dernier.

Compagnons de route, camarades parfois, les journalistes de Charlie ont toujours été à nos côtés, je pense à Charb bien sûr qui dessinait chaque mois dans les colonnes de la Vie Ouvrière, d’Ensemble et d’Options, je pense aussi à Honoré, à Tignous et à Wolinski notamment.

Cette journée du 7 janvier restera toujours dans nos mémoires à toutes et tous. Chacune et chacun se souvient où il était à ce moment‐là, de ce qu’il faisait. Chacune et chacun se souvient du choc.
 Charlie est le journal qui, quelle que soit notre génération, a accompagné notre parcours militant. Il nous a fait souvent rire, parfois énervé, fait réagir et réfléchir. Il était devenu une référence des valeurs que la CGT s’attache à faire vivre: liberté de ton et de pensée, détermination dans la dénonciation des injustices, autodérision comme ressort de mobilisation. Compagnons de route, camarades parfois, ses journalistes ont toujours été à nos côtés, je pense à Charb bien sûr qui dessinait chaque mois dans les colonnes de la Vie Ouvrière, d’Ensemble et d’Options, je pense aussi à Honoré, à Tignous et à Wolinski notamment.

Déjà difficiles à trouver pour dire notre émotion il y a dix ans, les mots ont encore plus de mal à venir lorsqu’il s’agit d’ouvrir la réflexion sur les causes et les conséquences de cette folie meurtrière. Il est pourtant de notre responsabilité de le faire.

Par cet acte terroriste, l’intégrisme religieux islamiste s’est attaqué au fondement des valeurs de la République française. La liberté de la presse et d’expression, l’ordre Républicain, incarné par la police, et la diversité d’origine et de cultes, la laïcité. Juives, musulmanes, chrétiennes ou athées, les victimes étaient à l’image de la France.

Par cet acte terroriste, l’intégrisme religieux islamiste s’est attaqué au fondement des valeurs de la République française. La liberté de la presse et d’expression, l’ordre Républicain, incarné par la police, et la diversité d’origine et de cultes, la laïcité. Juives, musulmanes, chrétiennes ou athées, les victimes étaient à l’image de la France.

Ils ont voulu nous mettre à genoux mais nous nous sommes levés par millions, avec des manifestations spontanées organisées le soir même débouchant sur une énorme manifestation le 11 janvier 2015 notamment, où près de 50 chefs d’États dont des dictateurs patentés, ont été contraints de venir dire leur attachement aux valeurs de la Révolution française et de défiler pour la liberté et la démocratie. Il a fallu l’énergie de la rédaction de Charlie, des familles des victimes, de l’intersyndicale des journalistes pour que cet événement ne leur soit pas volé. Il a fallu la forte présence des organisations syndicales et particulièrement de la CGT qui a assuré la sécurité de la manifestation, pour que les politiques et les chefs d’État aient la décence de ne pas s’imposer au premier rang et laissent la tête de cortège aux familles et survivants.

Alors dix ans après, que nous reste‐t‐il?

A l’heure où le renforcement de la citoyenneté, du vivre ensemble et des libertés était primordial, nous avons pourtant dû résister.

Surenchère sécuritaire, montée de l’extrême droite et intégrisme religieux, ces trois ingrédients se nourrissent et s’alimentent dans une spirale mortifère pour nos démocraties. Nous devons encore résister. Il est minuit moins le quart.

A l’heure où le renforcement de la citoyenneté, du vivre ensemble et des libertés était primordial, nous avons pourtant dû résister. Résister à la surenchère sécuritaire et aux sirènes guerrières qui se nourrissent du climat de peur et remettent en cause les libertés d’expression. Résister aux forces de l’argent qui s’accaparent les médias et tentent de museler notre liberté d’expression et roulent désormais ouvertement pour l’extrême droite à l’image d’Elon Musk et de Vincent Bolloré. Résister à la montée de l’intégrisme religieux qui continue à tuer, en France et dans le monde. Après Charlie, il y a eu notamment les 130 morts du Bataclan en 2016 et Samuel Paty.

Surenchère sécuritaire, montée de l’extrême droite et intégrisme religieux, ces trois ingrédients se nourrissent et s’alimentent dans une spirale mortifère pour nos démocraties.

Nous devons encore résister. Il est minuit moins le quart.

Dix ans après Charlie, nous sommes dans un moment crucial qui doit permettre à celles et ceux qui résistent à l’intégrisme, au racisme, à l’antisémitisme, à l’extrême droite et au néolibéralisme de se serrer les coudes et de se rassembler.

Dix ans après Charlie, nous sommes dans un moment crucial qui doit permettre à celles et ceux qui résistent à l’intégrisme, au racisme, à l’antisémitisme, à l’extrême droite et au néolibéralisme de se serrer les coudes et de se rassembler.

Se rassembler contre la haine de l’autre et pour nos libertés. Se rassembler pour le vivre ensemble et la solidarité. Et ce combat ce n’est pas celui des journalistes, pas seulement en tout cas, c’est celui de toutes et tous les défenseur.es de nos libertés fondamentales.

Aujourd’hui encore, dix ans après, notre responsabilité est aux côtés de beaucoup d’autres, de se dresser face aux intimidations, aux menaces et aux agressions perpétrées par les ennemis de la liberté de penser, de la liberté d’opinion, de la liberté d’expression. Contre le fascisme, l’antisémitisme, le racisme, le fanatisme et l’intolérance, sous toutes ses formes.

Ils veulent nous diviser, plus que jamais, restons unis.

Paris, le 7 janvier 2025.

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