Lettre ouverte du SNJ-CGT
Cette lettre ouverte a été distribuée par le SNJ-CGT, à l’occasion du Dîner de la presse de la Fête de l’Humanité.
Mesdames et Messieurs les éditeurs et éditrices de presse,
Mesdames et Messieurs les responsables du ministère de la Culture,
Il n’est pas prévu lors de cette soirée organisée pour les professionnels de la presse par l’Humanité que les journalistes professionnels puissent s’exprimer. Nous sommes pourtant un maillon indispensable de la presse, aussi bien sur papier qu’en ligne.
Il n’y a pas de Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI), alors qu’il s’agit d’une obligation légale depuis plus de huit ans. Cette absence de dialogue social est préjudiciable à la branche et à la presse toute entière.
L’année dernière j’ai été assez frustré de ne pouvoir m’adresser qu’à quelques-uns d’entre vous, aussi j’ai souhaité rédiger cette simple lettre ouverte pour faire passer le message à toutes et tous. Je ne remets nullement en cause vos traditions patronales, mais je tiens à souligner qu’il est plus que nécessaire que nous nous parlions et surtout que vous nous écoutiez.
Ensuite, les conclusions des Etats généraux de l’information appellent l’inter-profession à répondre à des questions précises et à relever des enjeux existentiels pour notre métier pour les années, voire les décennies à venir. Même l’ONG Reporters sans frontières a souligné, lors du festival de journalisme de Couthures en juillet dernier, qu’ouvrir un dialogue dans la profession était indispensable.
Les défis pour les prochaines années sont multiples:
- Un projet de loi devra mettre à niveau le cadre légal français avec la loi européenne sur la liberté de la presse et des médias (EMFA), entrée en vigueur en août dernier. Il sera question de protection des sources, de transparence de l’actionnariat et d’indépendance des médias de service public.
- Le bras de fer contre les plateformes pour les droits voisins continue, celui contre les plateformes d’intelligence artificielle commence et nous ne pouvons pas partir en ordre dispersé.
- Les conditions de travail des journalistes évoluent, la concentration des médias se renforce et le recours aux outils d’intelligence artificielle se multiplient.
Le patronat de la presse française ne cesse, sauf à de très rares exceptions, d’éviter tout dialogue et de refuser toute négociation, voire toute information-consultation sur des sujets inhérents à notre travail. Encore trop d’entreprises de presse violent la présomption de contrat de travail prévue par la loi Cressard et imposent aux journalistes rémunérés à la pige des conditions de travail et de rémunération inacceptables, voire les excluent purement et simplement des NAO.
Or, le patronat de la presse française ne cesse, sauf à de très rares exceptions, d’éviter tout dialogue et de refuser toute négociation, voire toute information-consultation sur des sujets inhérents à notre travail.
Encore trop d’entreprises de presse violent la présomption de contrat de travail prévue par la loi Cressard et imposent aux journalistes rémunérés à la pige des conditions de travail et de rémunération inacceptables, voire les excluent purement et simplement des NAO (négociations annuelles obligatoires).
Encore trop d’entreprises de presse ont refusé une véritable négociation transparente et loyale sur les droits voisins, cherchant à imposer des forfaits au rabais. D’ailleurs, une grande majorité de celles qui ont saisi la Commission droits d’auteur et droits voisins (CDADV) ont ensuite contesté les décisions prises par cette même CDADV, pourtant une instance paritaire.
Encore trop d’entreprises de presse ont refusé une véritable négociation transparente et loyale sur les droits voisins, cherchant à imposer des forfaits au rabais.
Contrairement à ce qu’avait affirmé le président de l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), Pierre Louette, avant l’obtention de la directive droits d’auteurs de 2019, grâce à notre soutien, certains journalistes ont mis des années à toucher leur part équitable et d’autres n’ont toujours rien touché, ce que nous n’avons pas manqué de signaler au député Erwan Balanant, qui s’est saisi de la question. Et comment considérer les expressions de certains dirigeants de presse qui affirment que la part appropriée et équitable des journalistes devrait être de zéro euro ?
Encore trop d’entreprises de presse veulent imposer verticalement l’utilisation des outils d’intelligence artificielle sans passer par une information-consultation.
Encore trop d’entreprises de presse veulent imposer verticalement l’utilisation des outils d’intelligence artificielle sans passer par une information-consultation. Déjà deux d’entre elles, et pas des moindres, Infopro Digital et France Télévisions, ont été condamnées à revenir en arrière.
Sans oublier, même si le sujet est différent, que le caractère journalistique des publications est encore défini, en France, par une commission « paritaire » (Commission paritaire des publications et agences de presse, CPPAP) composée du ministère de la Culture et du patronat, sans représentants des organisations syndicales de journalistes. Une situation qui étonne beaucoup, notamment en Europe de l’Est.
Le caractère journalistique des publications est encore défini par une commission « paritaire » composée du ministère de la Culture et du patronat, sans représentants des organisations syndicales de journalistes.
Il n’est pas sérieusement souhaitable, ni responsable de continuer ainsi à bloquer tout dialogue, toute négociation, toute information.
Nous avons montré avec le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) que nous pouvions, dans le cadre d’un dialogue constructif et respectueux, bâtir ensemble un cadre social spécifique. Pour cela il faut du temps, des données, des échanges.
Nous avons montré avec le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) que nous pouvions, dans le cadre d’un dialogue constructif et respectueux, bâtir ensemble un cadre social spécifique.
En revanche, tout cela est impossible avec des dirigeants qui arrivent à la table de négociation sans informations, sans marge de manœuvre et en voulant imposer leurs seules propositions. Cela n’est pas responsable ni à la hauteur des enjeux.
Nous avons réellement besoin d’espaces de dialogue et d’auto-régulation de l’interprofession et pour cela il faut se parler, s’écouter, se respecter, bref, négocier vraiment.
Aussi, en cette rentrée que nous vous souhaitons fructueuse et constructive, nous vous appelons à renouer le dialogue le plus rapidement possible, dans les meilleures dispositions, afin de construire le journalisme et la presse de demain.
Pablo AIQUEL
Secrétaire général du SNJ-CGT
Vice-président de la FEJ
Montreuil, le 9 septembre 2025.
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