Emploi fictif? RAS pour le tribunal! Communiqué des sept vraies parties civiles sur le procès du « Canard enchaîné »

0  -  Article mis à jour le 28 octobre 2025

Communiqué de Christophe Nobili, Claudine Alizon, Claude Angeli, David Fontaine, Anne-Sophie Mercier, Frédéric Pagès et Jacek Wozniak

Le parquet de Paris a fait appel le 21 octobre, quatre jours après la relaxe prononcée par la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire de l’emploi fictif du Canard enchaîné à l’endroit de ses anciens dirigeants Michel Gaillard et Nicolas Brimo, de l’ancien dessinateur et administrateur délégué André Escaro, et de sa compagne Edith Vandendaele. Laquelle a été payée, pendant vingt-cinq ans jusqu’à 5.600 euros par mois pour envoyer des dessins par fax chaque semaine, noircir certains d’entre eux, corriger quelques légendes en laissant des fautes… et discuter de leur thème avec son compagnon, affirme-t-elle. Tout sauf
un emploi fictif!

Dans un éditorial écrit au nom du journal, l’actuelle direction «se réjouit» un peu vite que les quatre intéressés aient été «intégralement blanchis».

Sur cinq colonnes à la une du Canard daté du lendemain, 22 octobre, dans un éditorial écrit au nom du journal, l’actuelle direction «se réjouit» un peu vite que les quatre intéressés aient été «intégralement blanchis» et que «la justice, en prononçant cette relaxe générale, puisse ainsi mettre fin à cette histoire». Et elle rend responsable de la «très médiatisée judiciarisation de cette affaire» le seul Christophe Nobili, journaliste qui a déposé plainte pour abus de biens sociaux en 2022.

Nos sept parties civiles défendent le Palmipède mieux que l’actuelle direction – qui s’était, elle aussi, constituée partie civile au procès de juillet – comme l’a relevé le tribunal lui-même: «Le défenseur de l’action civile [l’avocat mandaté par l’actuelle direction] s’est davantage révélé un soutien de la défense des anciens dirigeants sociaux qu’une protection des intérêts propres de la personne morale [du journal]».

Or Christophe Nobili n’est pas seul dans la cause. A son côté, six journalistes se sont constitués parties civiles au procès en correctionnelle. Tous les sept, nous faisons aujourd’hui appel, à notre tour, du jugement du 17 octobre, au titre des intérêts civils du Canard pour obtenir réparation de son préjudice financier. Car nos sept parties civiles défendent le Palmipède mieux que l’actuelle direction – qui s’était, elle aussi, constituée partie civile au procès de juillet – comme l’a relevé le tribunal lui-même: «Le défenseur de l’action civile [l’avocat mandaté par l’actuelle direction] s’est davantage révélé un soutien de la défense des anciens dirigeants sociaux qu’une protection des intérêts propres de la personne morale [du journal] » Et les juges de pointer un intéressant «clivage» avec nos sept parties civiles, qu’il a déclaré recevables.

Sur le fond, le tribunal, loin d’avoir «intégralement blanchi» les deux anciens dirigeants, le dessinateur et sa compagne rémunérée, a suivi un raisonnement par l’absurde. Malgré l’absence de toute trace de travail effectif en un quart de siècle, établie au terme d’une enquête de police de dix-huit mois, il a jugé qu’il n’était pas certain qu’Edith Vandendaele n’ait pas travaillé… et qu’il n’était donc pas exclu qu’elle ait pu travailler! Pourtant, entendue par la police, Edith Vandendaele a elle-même certifié ne pas avoir travaillé pour Le Canard entre 2020 et 2022, alors qu’elle touchait une pige mensuelle de 1.800 euros, en cumul emploi- retraite. Elle a également reconnu ne jamais avoir été «rédactrice»… mais «coproductrice des dessins» au terme d’un «travail immatériel».

Sur le fond, le tribunal a suivi un raisonnement par l’absurde. Malgré l’absence de toute trace de travail effectif en un quart de siècle, établie au terme d’une enquête de police de dix-huit mois, il a jugé qu’il n’était pas certain qu’Edith Vandendaele n’ait pas travaillé… et qu’il n’était donc pas exclu qu’elle ait pu travailler!

Dans leur décision, les juges ont «écarté» les éléments matériels (absence de bureau, de badge, de clés, de ligne téléphonique, d’adresse mail) et tous les autres indices probants. Ils ont balayé les dépositions sur PV et les déclarations faites à l’audience, taxées
d’«interprétations et constructions intellectuelles» faisant figure d’«édifice fragile»… Au lieu de quoi, ils ont à leur tour échafaudé une théorie bien aléatoire de l’ «œuvre immatérielle» et «collaborative», soufflée par Edith Vandendaele elle-même. A ce titre, ils
ont considéré qu’il n’était pas invraisemblable qu’elle ait accompli un «travail», aussi impalpable qu’improuvable, de «souffleuse d’idées», selon la formule d’un actuel dirigeant du journal.

Cette décision de la 11e chambre ouvre une intéressante jurisprudence Edith: salarier en CDI tous les maris et femmes qui, dans l’ombre, soutiennent, conseillent, aident, relisent, conversent à table avec leurs chers et tendres, qu’ils soient dessinateurs, rédacteurs, mais aussi auteurs, artistes, chercheurs, ou encore politiques, entrepreneurs…

A ce compte-là, il faudrait rémunérer toutes les épouses et compagnes des dessinateurs! ont rigolé certains d’entre eux dès qu’ils ont eu vent de l’affaire. Cette décision de la 11e chambre ouvre une intéressante jurisprudence Edith: salarier en CDI tous les maris et femmes qui, dans l’ombre, soutiennent, conseillent, aident, relisent, conversent à table avec leurs chers et tendres, qu’ils soient dessinateurs, rédacteurs, mais aussi auteurs, artistes, chercheurs, ou encore politiques, entrepreneurs… C’est la porte ouverte à la régularisation de tous les emplois fictifs: une vraie martingale contre le chômage!

Mais ce serait aussi le risque de devoir renoncer à toute investigation, à toute enquête, à toute poursuite de ce chef… Voilà qui serait paradoxal pour Le Canard qui s’honore d’avoir déterré tant d’affaires d’emplois fictifs en ce dernier quart de siècle: de Xavière Tiberi à Pénélope Fillon.

Paris, le 24 octobre 2025.

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