« L’Equipe »: un plan social déguisé?

0  -  Article mis à jour le 7 novembre 2025

Communiqué de l’intersyndicale de L’Equipe-Presse Sports* 

La direction de L’Equipe couple à nouveau réorganisation et renforcement du numérique avec suppressions de postes et toujours plus de charge de travail, mais avec une innovation de taille: l’escamotage de possibles licenciements, notamment chez les pigistes. Ce projet d’ampleur devrait concerner la majorité des services.

Le projet de réorganisation nourrit de fortes inquiétudes et alimente la colère. D’abord chez les pigistes dont une partie des vacations doit être supprimée sans qu’aucun élément tangible ne présente les mesures qui accompagneront cette baisse d’activité.

C’était l’engagement de Rolf Heinz devant les représentant-es du personnel de L’Equipe juste après son arrivée: le nouveau directeur général ne mettra pas en œuvre de plan social, contrairement à ses prédécesseurs. Plutôt que de consacrer du temps et des moyens à des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), actionnaires et direction entendent profiter des «départs naturels» pour contrôler la
masse salariale.

Mais le projet de réorganisation présenté au CSE le 9 octobre nourrit de fortes inquiétudes et alimente la colère. D’abord chez les pigistes dont une partie des vacations doit être supprimée sans qu’aucun élément tangible ne présente les mesures qui accompagneront cette baisse d’activité. Rappelons que celle-ci peut s’interpréter comme un licenciement économique, comme cela s’était fait lors des précédentes réorganisations. La perspective d’hypothétiques titularisations pour une petite minorité des précaires concerné-es est largement insuffisante.

Chez les titulaires, la création de trois postes de rédacteurs en chef info (RCI) au numérique et d’un poste de chef d’édition pèse peu face à la suppression de six postes d’éditeurs et de deux des cinq postes de correcteurs, qui seraient désormais chapeautés par l’édition.

Chez les titulaires, la création de trois postes de rédacteurs en chef info (RCI) au numérique et d’un poste de chef d’édition pèse peu face à la suppression de six postes d’éditeurs et de deux des cinq postes de correcteurs, qui seraient désormais chapeautés par l’édition.

Pour justifier ces nouvelles coupes dans les effectifs, la direction évoque notamment des transferts de charges manifestement surestimés, comme la gestion des homes (FPE): cette tâche évaluée à un peu plus de quatre équivalents temps plein (ETP) ne serait plus assumée par l’édition mais par les RCI-desk… où ne seront créés que trois postes d’où une surcharge de travail probable sur les RCI actuels.

Mais la direction omet un léger détail: ces vacations FPE sont assumées en partie par des chefs d’édition et non pas uniquement par les éditeurs. Difficile donc de justifier ainsi la suppression de quatre postes chez les seconds.

Trop peu d’éditeurs en nocturne

Pour justifier des suppressions de postes à l’édition, la direction surévalue notamment la charge de travail correspondant à la page résultats (0,9 ETP), mais oublie tout le travail en plus sur le numérique (+15% de textes depuis l’embauche des deskeurs) et les nouvelles tâches induites notamment par la disparition des piges premium.

Comment seraient mis en ligne les articles du quotidien dont se chargent aujourd’hui nos collègues précaires? Le projet ne le précise pas, se contentant d’insister sur la priorité donnée au numérique, laquelle diminuera drastiquement l’effectif d’éditeurs affectés au bouclage.

Comment seraient mis en ligne les articles du quotidien dont se chargent aujourd’hui nos collègues précaires? Le projet ne le précise pas, se contentant d’insister sur la priorité donnée au numérique, laquelle diminuera drastiquement l’effectif d’éditeurs affectés au bouclage: au minimum, les éditeurs en nocturne pourraient se retrouver à trois (Web et quotidiens confondus) au lieu de huit actuellement. Ce qui compromettrait à la fois la réalisation du quotidien et la mise en ligne de l’actu chaude après 22h30.

Un flux de copie réorganisé?

Pour étaler le travail du print tout au long de la journée et alléger les nocturnes, la direction dit miser notamment sur le recours systématique à l’envoi par Swing (répété comme un mantra depuis des années) et sur une profonde modification du circuit de copie. Celle-ci serait validée à la réception (lignage, angle) par les chefs de rubrique avant d’être éditée sans que les moyens et l’organisation
desdites rubriques soient vraiment abordées.

Cette nouvelle organisation reposerait en grande partie sur les chefs d’édition, dont les conditions de travail risquent de se dégrader, comme celle des RCI numérique dont les renforts semblent insuffisants pour assumer la gestion des homes.

Outre la correction qui sera dissoute, plusieurs services concernés mais oubliés

Quant aux correcteurs, leurs conditions de travail ne sont pas précisées alors que la direction assume la disparition de leur service, pourtant maintenu et développé dans les médias qui font office de modèle comme Le Monde par exemple. La responsabilité de la correction reposera de plus en plus sur les éditeurs, y compris lors du bouclage, alors que les outils numériques mis en avant requièrent un usage modéré et attentif peu compatible avec l’urgence.

Quant aux correcteurs, leurs conditions de travail ne sont pas précisées alors que la direction assume la disparition de leur service, pourtant maintenu et développé dans les médias qui font office de modèle comme Le Monde par exemple.

D’une manière générale, la réorganisation pourrait toucher les salarié-es bien au-delà du périmètre dessiné par la direction. Les reporters verraient leur nombre de «JT» (jours travaillés hors couverture d’actu au sens strict) baisser de 20% et seraient soumis à des contraintes plus fortes pour la livraison de la copie notamment, avec l’obligation de «produire deux à trois contenus» par vacation actu.

La cellule visuelle se verrait attribuer trois doubles pages du quotidien chaque jour et l’icono devra assumer la fourniture de photos plus tôt en journée.

Pour l’heure, cette réorganisation présente des risques majeurs non seulement pour l’emploi et les conditions de travail, mais aussi peut-être pour la pérennité de notre activité.

Côté vidéo et social media (inclus dans le projet), c’est la priorité de la recherche d’audience qui inquiète notamment des salarié-es désormais placé-es sous une double hiérarchie: fonctionnelle (rédaction en chef centrale) et hiérarchique (maintenue). Bien d’autres collègues s’interrogent aussi sur l’évolution éditoriale de nos titres.

Un projet lancé dès janvier?

La première des trois réunions extraordinaires de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) consacrées au projet, le 14 octobre, n’a apporté aucune réponse aux nombreuses questions des représentant-es du personnel. La direction entend apporter des réponses lors de la prochaine réunion le 12 novembre, un peu plus d’un mois avant la réunion du CSE où la direction veut demander l’avis des élu-es avant de lancer son projet dans la foulée, en début d’année prochaine.

Pour l’heure, cette réorganisation présente des risques majeurs non seulement pour l’emploi et les conditions de travail, mais aussi peut-être pour la pérennité de notre activité.

Boulogne-Billancourt, le 29 octobre 2025.

*SNJ, SNJ-CGT, Ufict-BP-CGT

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