Les représentants des journalistes ont dénoncé une accumulation d’actes de violences policières commis sur des manifestants et aussi délibérément sur des journalistes, en particulier des photographes, depuis le début des mobilisations contre la loi Travail. Ils ont évoqué une « escalade », et un « climat d’intimidation », du jamais vu, de mémoire des représentants des journalistes. Ils ont demandé au ministre des précisions sur les stratégies de maintien de l’ordre consistant à couper les cortèges pour isoler les casseurs, prenant au piège simples manifestants et journalistes.
Ils ont interrogé le ministre sur l’usage des grenades de désencerclement parfois sans discernement, ainsi que sur la pratique du tir tendu de grenades lacrymogènes : « Il faut qu’on nous explique en quoi quelqu’un qui filme les forces de l’ordre représente un danger, et en quoi lui envoyer un tir de grenade lacrymogène, ça participe au maintien de l’ordre ».
Les représentants des journalistes reconnaissent la difficulté du métier de policier dans le contexte actuel, mais en aucun cas la tension ambiante ne saurait justifier des « comportements inacceptables dans un Etat de droit » : « Un manifestant ou un photographe n’est pas un casseur. A partir du moment où il se trouve sur la voie publique et ne commet rien de répréhensible, il n’y a aucune raison pour qu’il se prenne un coup de matraque sur l’objectif de l’appareil photo ou dans les jambes ».
Les représentants du Club de la Presse de Rennes et de Bretagne, sont revenus précisément sur les événements de jeudi, au cours desquels trois photographes et deux JRI avaient été bousculés et matraqués, expliquant avoir pourtant engagé très tôt des démarches auprès des pouvoirs publics pour éviter que la situation ne dégénère, dans un contexte de manifestations marquées par des débordements réguliers.
Rappelant que 523 policiers avaient été blessés dans des incidents liés aux manifestations contre la loi Travail, principalement à Paris, Nantes et Rennes, « dans un climat de violences généralisées », le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a insisté sur la difficulté du travail des policiers, à flux tendus en terme d’effectifs, compte tenu des impératifs liés à la gestion du mouvement social conjuguée aux impératifs de l’Etat d’urgence et des contrôle renforcés aux frontières.
Il a démenti toute « stratégie de la tension », qui serait voulue par le gouvernement, et a affirmé avoir donné des consignes très claires, « écrites et traçables », pour « permettre aux journalistes de faire leur travail ». Il n’a pas nié que dans certains cas, « sur 320 000 policiers et gendarmes en France », il ait pu y avoir des manquements : « Ce n’est pas parce que des policiers perdent leurs nerfs qu’il faut théoriser et en faire une stratégie ». Il a affirmé qu’il n’y aurait « ni complaisance, ni tolérance » vis-à-vis de ces « manquements », parce que « les forces de l’ordre ne peuvent pas se permette de perdre leur sang-froid ».
Interrogé sur les suites (« classement vertical » ?) qui seraient données aux plaintes déposées par des journalistes ou tout citoyen victime de violences de la part des forces de l’ordre, il a précisé que toutes ces plaintes donneraient lieu à une enquête de la police des polices (IGPN), comme c’était le cas pour le jeune manifestant plongé dans le coma après avoir été blessé par un lancer de grenade de désencerclement, le 26 mai à Paris. Le ministre Cazeneuve a par ailleurs qualifié de « totalement inadmissible » le fait que des policiers ne soient pas en mesure de présenter leur numéro de matricule en intervention, affirmant avoir renouvelé des consignes strictes le 3 juin, dans une circulaire adressée à la préfecture d’Ile-et-Vilaine. Le ministre a appelé les victimes à déposer plainte en assurant qu’elles seraient suivies avec la plus grande attention et que l’Inspection Générale de la Police (IGPN) pourrait donner l’actualité de tous les cas signalés.
Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), a précisé au ministre que la FIJ et la FEJ, son organisation européenne, avaient publié un signalement sur la plateforme du Conseil de l’Europe à propos de la sécurité et de la protection des journalistes. Le ministre a souhaité être saisi personnellement par la FIJ pour pouvoir répondre d’éventuelles violences constatées, tout en les condamnant.
Le 07/06/2016