A l’adresse des présidents et chefs de gouvernement de Chypre, Espagne, France, Grèce, Italie et Royaume-Uni
L’ONU commémore le 2 novembre la Journée contre l’impunité à laquelle prend pleinement part la Fédération internationale des journalistes (600.000 adhérents dans le monde) avec sa campagne 2016 #endimpunity.
A ce jour, 66 journalistes ont trouvé la mort dans l’exercice de leur profession. Un assassinat sur dix fait actuellement l’objet d’une enquête. A ces crimes, s’ajoutent le fait que de très nombreux journalistes sont victimes d’agressions, d’arrestations, voire de tortures.
C’est le cas en Turquie où les autorités violent quotidiennement la liberté de la presse, faisant de ce pays la plus grande prison au monde de journalistes : 113 de nos confrères se trouvent aujourd’hui emprisonnés. Des procès en série sont déclenchés à leur encontre sans qu’ils aient accès à une véritable défense. Ils sont détenus dans des conditions indignes d’un grand pays.
Ces tous derniers jours encore, Murat Sabuncu, rédacteur en chef du quotidien d’opposition Cumhuriyet, a été arrêté avec 15 autres de ses confrères. Ils sont accusés de liens avec des organisations « terroristes » comme le FETÖ, proche de Fethullah Gülen, ennemi juré du président turc Recep Tayyip Erdogan et le Parti des Travailleurs kurdes (PKK, interdit).
Lors de ces opérations de police menées manu militari, les ordinateurs des journalistes ont été saisis, des mandats d’arrêt lancés. Le domicile de Can Dündar, l’ancien rédacteur-en-chef de Cumhuriyet, qui réside actuellement à l’étranger, a fait l’objet d’une fouille. Il avait mis en cause dans son quotidien les livraisons d’armes via les services turcs aux groupes djihadistes en Syrie.
La veille de ces raids policiers, 15 nouveaux médias kurdes ont été fermés par décret du pouvoir dans le cadre de l’état d’urgence média imposé par le régime de l’AKP à l’issue de la tentative de coup d’Etat du 15 juillet.
Au total, ce sont 168 médias qui ont été interdits en Turquie, membre du Conseil de l’Europe et candidat à l’entrée dans l’Union européenne. Des centaines de journalistes ont dû fuir leur pays. 3000 autres sont privés d’emploi du fait des mesures de fermetures de nombreux médias écrits ou audiovisuels.
Cette situation est totalement intolérable
Le silence des gouvernements de l’UE face au démantèlement de pans entiers de la société démocratique turque est inadmissible. Ce silence est un encouragement aux exactions du régime qui s’enfonce dans la dictature en foulant aux pieds la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Les 28 pays de l’UE se doivent de tout en mettre en œuvre pour que soit stoppée l’impunité dont jouissent les auteurs de ces atteintes graves à la démocratie que sont les privations de liberté des journalistes, les interdictions de diffusion, les actes de censure et les fermetures de médias.
En France, par exemple, qu’attend le gouvernement français pour faire cesser la censure exercée par Eutelsat, la société fournisseur d’accès aux réseaux satellitaires, qui a coupé la diffusion à Med Nuçe TV, et Newroz TV, des chaînes de télévision en langue kurde, sous pression du RTÜK (Conseil suprême de la radio-télévision turque). Pourtant, le principal actionnaire de ce diffuseur n’est autre que la Caisse des Dépôts, un organisme officiel français.
On ne peut plus laisser faire.
C’est pourquoi les syndicats de journalistes français (membres de la FIJ/FEJ) ont pris l’initiative de s’adresser aux chefs d’Etat et de gouvernement pour qu’ils s’élèvent avec force contre la répression incessante et massive que subissent les journalistes en Turquie.
Des dispositions légales de protection des journalistes en tant que personnes civiles existent et les États ont le devoir de les appliquer aux termes du droit national et international.
En conséquence, les syndicats signataires vous demandent instamment de prendre publiquement position contre ces violences faites aux journalistes kurdes et turcs. La lutte contre l’impunité est à ce prix.
Le 01/11/2016