Future holding « France Médias » : plus c’est gros, plus ça casse ?

0  -  Article mis à jour le 30 septembre 2019

Communiqué du SNJ-CGT

France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) et l’INA regroupés dans une holding… Le secret de polichinelle a donc été éventé par le ministre de la Culture. Une « BBC à la française » vraiment ? Mais en référence à quelle « Beeb » ?

Celle qui a restructuré en 2010 à hauteur de plus d’un milliard d’euros d’économies ? Celle qui a licencié 5 500 salarié.e.s en plusieurs vagues depuis 2005 ? Celle qui a privatisé plusieurs de ses « divisions » (technologie, commerciale…) ? Celle qui aujourd’hui fait de plus en plus l’impasse sur les reportages, privilégiant directs, plateaux, et micro-trottoirs ?

On préfèrerait croire qu’on prendra comme modèle une BBC alimentée par la redevance la plus élevée des pays d’Europe. Celle qui produit encore de fabuleux documentaires. Celle qui – avec BBC World – écrase de son savoir-faire les autres chaînes internationales. Celle qui ose encore diffuser des émissions à succès créées au… 20e siècle. Celle qui est dirigée par un « board » désormais bien éloigné du pouvoir exécutif.

Pauvres administrateurs salariés : ils sont deux pour représenter quatre sociétés et 12 000 employés !

Malheureusement l’annonce du mode de nomination du futur conseil d’administration de « France Médias » est bien éloigné du modèle BBC, avec au moins sept membres sur douze représentant l’Etat ou choisis par la majorité ! Pauvres administrateurs salariés : ils sont deux pour représenter quatre sociétés et 12 000 employés ! Et où sont ceux qui pourraient porter la voix des citoyens ? Loin de la plus grande indépendance proclamée, c’est bien d’un renforcement de la mainmise du pouvoir exécutif sur la nomination des patrons de l’audiovisuel public qu’il s’agit.

De plus, deux exemples récents de mutualisation de l’information (entre Radio France et France Télévisions) nous poussent à la plus grande prudence quant aux vertus attendues du regroupement « sous la mère » – le terme du ministre pour la holding. En effet, comment croire en un « service plus proche et de meilleur qualité » avec les matinales France Bleu/France 3, de la radio filmée qui fait de la télé indigente ? Ou avec l’inquiétante situation de la chaîne télé Franceinfo canal 27, aux moyens insuffisants, aux conditions de travail éprouvantes, aux résultats d’audience décevants ?

Quid du financement par la redevance ? C’est le flou après 2022 et avant c’est l’incertitude.

Et quid du financement par la redevance ? C’est le flou après 2022 et avant c’est l’incertitude : dépendre du vote annuel de la loi de finance est tout sauf une garantie de pérennité et d’indépendance. D’autant que l’exigence des 190 millions d’euros d’économies est maintenue ! On peut aussi craindre que «  sous la mère » holding, les filles France Télévisions, Radio France, FMM et INA se battent entre elles afin d’obtenir la meilleure part possible d’un budget global en peau de chagrin.

C’est là aussi un piège : encourager un excès de zèle dans les économies, une course à l’échalote entre les actuel.le.s PDG de l’audiovisuel public sur le dos des salarié.e.s.

Alors que la presse est en crise, que les citoyens sont défiants vis-à-vis de l’information, le pouvoir en place en rajoute : sous prétexte de « s’adapter aux usages », on va une fois de plus casser les équipes, imposer des fonctionnements hybrides pour des contenus dont on ne sait pas à quel projet éditorial ils doivent répondre ! Stop à la novlangue !

Pour mener le combat culturel contre les plates-formes américaines ou chinoises, pour assurer la lutte contre les « infox », pour éclairer les citoyens dans le débat et la vie démocratique, l’audiovisuel public a d’abord besoin d’être conforté financièrement. Et non de se voir imposer une baisse d’un euro de la redevance ! Puisque l’État vient de récupérer près d’un milliard d’euros en négociant avec Google, champion de l’évasion fiscale, pourquoi ne pas en restituer une partie aux producteurs de contenus que nous sommes ?

Les sections SNJ-CGT de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA combattront une réforme qui ne répond qu’à deux exigences : la recherche d’économies et le renforcement de la mainmise de l’exécutif sur l’audiovisuel public, qualifié par le président Macron de « honte de la République ».

Montreuil, le 30 septembre 2019

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