Un collectif de journalistes et de chercheurs appelle à libérer leurs confrères arrêtés en Egypte, pour avoir exercé leur métier et dénoncé les violations des droits humains. La tribune, publiée sur le site de Libération, est cosignée par le SNJ-CGT.
Tribune
Mardi 26 novembre, à 22h30, les journalistes égyptiens Solafa Magdy, Hosam El-Sayyad et Mohamed Salah ont été arrêtés par des policiers en civil dans le quartier de Dokki, non loin du centre du Caire, sans aucune justification légale.
Après une journée sans nouvelle d’eux, leur avocat a fait état de leur présentation devant un tribunal de la Sûreté de l’Etat. Solafa Magdy, Hosam El-Sayyad et Mohamed Salah sont tous les trois accusés d’avoir intégré une organisation terroriste. Solafa est également accusée de diffuser de fausses informations.
D’après leur avocat, Abdallah Tantawy, les trois journalistes ont été détenus dans un endroit tenu secret, les yeux bandés, menottes aux poignets. Lors de son interrogatoire, Solafa Magdy, refusant de donner le code d’accès à son compte Facebook, a été insultée et battue. Son avocat confirme qu’elle a reçu des coups dans le dos et sur les bras.
Le parquet général de la Sûreté de l’Etat a requis une détention provisoire de quinze jours pour investigation en cours. Solafa Magdy a été emmenée à la prison pour femmes de Qanater, au nord du Caire. Hosam El-Sayyad et Mohamed Salah ont été incarcérés à la prison de Torah, au sud de la capitale égyptienne.
Contexte répressif généralisé
Solafa Magdy et son mari Hosam El-Sayyad sont respectivement journaliste et photojournaliste. Mohamed Salah est journaliste et blogueur. Amis de longue date, ils comptaient parmi les jeunes activistes de la révolution de 2011. L’année suivante, Mohamed s’était présenté aux élections législatives, représentant le parti des jeunes révolutionnaires.
Depuis la révolution, Solafa et Hosam couvrent avec professionnalisme et engagement ces années d’instabilité politique que traverse l’Egypte. Récemment, Solafa a été sélectionnée parmi 15 journalistes dans le monde par les Nations unies pour participer à des rencontres en marge l’Assemblée générale à New York et couvrir l’événement. Un porte-parole du secrétaire général de l’ONU, interrogé mercredi au sujet de l’arrestation de Solafa, a d’ailleurs déclaré : «Je me souviens très bien de la participation de Mme Magdy au programme Reham Al Farra, soutenu par les Nations unies […]. Nous sommes évidemment inquiets à son sujet et nous allons suivre la situation de près.» Solafa conduit également des formations aux médias auprès des jeunes et des femmes en Egypte.
L’arrestation de Solafa, Hosam et Mohamed intervient deux jours après un raid des forces de sécurité contre Mada Masr, le dernier média indépendant du pays, dont quatre journalistes ont été arrêtés puis relâchés entre samedi et dimanche.
Comme les journalistes de Mada Masr, Solafa et Hosam exercent leur métier courageusement dans un contexte répressif généralisé. Ces derniers mois, ils ont notamment couvert l’arrestation d’Esraa Abdel Fattah et relayé dans les médias et sur les réseaux sociaux les déclarations de la militante des droits humains qui affirme avoir été torturée en détention.
«Justice parallèle»
Dans une déclaration rendue publique mercredi, les familles de Solafa Magdy, Hosam El-Sayyad et Mohamed Salah affirment tenir le ministère de l’Intérieur pour responsable de leur santé physique.
Nous demandons la libération immédiate de Solafa Magdy, Hosam El-Sayyad, Mohamed Salah et Esraa Abdel Fattah, arrêtés simplement pour avoir, malgré la peur et les risques encourus, exercé leur métier et dénoncé les violations des droits humains.
L’Egypte est considérée par Reporters sans frontières comme «l’une des plus grandes prisons du monde» pour les journalistes. Arrêtés dans l’arbitraire le plus total, certains passent des années en détention provisoire sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux ou sans jamais être jugés, d’autres sont condamnés à de lourdes peines allant jusqu’à la perpétuité.
Mercredi 27 novembre, Amnesty International a publié un rapport de 60 pages dénonçant l’existence d’une «justice parallèle» permettant au régime militaire d’arrêter et détenir, hors de toute procédure, n’importe quel opposant pacifique, journaliste ou même citoyen sous l’accusation de terrorisme. L’organisation de défense des droits humains demande la mise en place d’une commission indépendante pour enquêter sur les violations du parquet général de la Sûreté d’Etat, au centre de l’appareil répressif égyptien.
Libérez Solafa, Esraa, Hosam et Mohamed.
Le journalisme n’est pas un crime, les journalistes ne sont pas des terroristes.
Voir la liste des signataires sur le site de Libération.