PSE, PDV, RCC, APC… Les patrons de presse font leur marché

0  -  Article mis à jour le 23 juin 2020

Communiqué du SNJ-CGT

Il y avait déjà le très classique « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) et le « plan de départs volontaires » (PDV), uniquement encadré par la jurisprudence. Depuis 2017 et les ordonnances Macron sur le travail, qui ont parachevé les « innovations » de la loi El Khomri, il y a aussi la « rupture conventionnelle collective » (RCC) et l’« accord de performance collective » (APC). Les employeurs qui veulent tailler dans les effectifs, les salaires ou les jours de congés ont donc désormais une batterie de dispositifs à leur disposition. Les patrons de presse et de médias ne sont pas les derniers à s’en servir.

Les employeurs qui veulent tailler dans les effectifs, les salaires ou les jours de congés ont donc désormais une batterie de dispositifs à leur disposition. Les patrons de presse et de médias ne sont pas les derniers à s’en servir.

Ainsi à L’Equipe, c’est une diminution de salaire de 10% et la suppression de 16 jours de RTT que veut imposer la direction, en prenant pour prétexte la baisse des ventes en kiosques et la chute des revenus publicitaires, liées à la pandémie de Covid-19. Mais en oubliant de rappeler que les caisses du groupe Amaury (L’Equipe, France Football, ASO…) sont copieusement garnies d’une trésorerie de plusieurs centaines de millions d’euros. Dans le personnel, les réactions indignées se multiplient (lire ici). Jusqu’à cette lettre signée par 225 salariés de L’Equipe et approuvée par de nombreux journalistes pigistes, qui évoque «  stupeur, colère et écœurement » face aux « sacrifices imposés ». « Depuis des années, nous avons fourni beaucoup d’efforts et subi une dégradation permanente de nos conditions de travail. Dans le même temps, les plans sociaux se sont enchaînés », rappelle le courrier.

Au Parisien, détenu par Bernard Arnault (LVMH, Les Echos…), première fortune française et quatrième mondiale, la direction vient d’annoncer la disparition des éditions départementales au profit d’un unique cahier régional et l’objectif d’atteindre les 200 000 abonnés numériques en cinq ans. Avec de grosses inquiétudes exprimées par le SNJ-CGT et le SGLCE du Parisien, sur « la charge de travail », la « poursuite de la couverture de l’information locale » ou encore « l’absence d’investissement réel dans les métiers qui apportent une plus-value qualitative aux publications, notamment la correction, l’iconographie et l’imagerie ». D’autant que le « projet éditorial » s’accompagnerait de 30 suppressions de postes. Soit « un plan d’économies qui repose essentiellement sur le dos des plus précaires : les CDD et les journalistes rémunérés à la pige », ce que refusent les élus SNJ-CGT et SGLCE-CGT.

A Paris-Normandie, certains salariés ont accueilli avec soulagement la décision du tribunal de commerce de valider l’offre de rachat du groupe Rossel-La Voix, face à la pitoyable tentative de Jean-Louis Louvel, associé au belge IPM (La Libre Belgique, La Dernière Heure…), de reprendre son propre journal, après avoir obtenu l’effacement de ses dettes. Certes, le plan de reprise de Rossel-La Voix annonce le maintien des dix éditions locales du quotidien régional, mais il prévoit aussi la suppression de 60 emplois sur 240. Il n’assure pas non plus le maintien à terme de l’imprimerie de Paris-Normandie. Et surtout, il acte un épisode supplémentaire de la concentration des médias, avec l’ajout d’un titre dans un groupe qui diffuse déjà, en France, à 400 000 exemplaires (La Voix du Nord, Le Courrier picard, L’Union, L’Ardennais, L’Est-Eclair, Libération Champagne…).

A NextRadioTV (BFM, RMC), on connaît maintenant l’ampleur de la purge voulue par la direction : un salarié sur trois ! Soit le départ de 330 à 380 salariés en CDI et jusqu’à 200 techniciens intermittents et journalistes pigistes. Et ce, dans un groupe qui a réalisé l’année dernière près de 74 millions d’euros de bénéfices. Là encore, les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 ont bon dos. L’entrée au bulldozer dans le monde des médias du milliardaire Patrick Drahi (SFR, groupe Altice) a fait de nombreuses victimes : RMC Sport News condamnée, L’Express essoré, Libération à l’avenir très incertain…

Malheureusement, d’autres plans funestes se préparent dans la presse. A Webedia, éditeur de nombreux sites internet (Allociné, PureMédias, PurePeople, 750g…), c’est une rupture conventionnelle que la direction veut enclencher, avec un objectif de 60 à 80 départs. Elle voulait même aller très vite, en bâclant la procédure en une semaine. Webedia est pourtant une entreprise qui affiche une belle rentabilité… tout en usant largement du chômage partiel. C’est aussi une filiale du groupe Fimalac, du milliardaire – encore un – Marc Ladreit de Lacharrière, le même qui a été condamné à de la prison avec sursis pour avoir offert à Penelope Fillon un emploi fictif à La Revue des deux mondes.

Chez Reworld Media, qui a repris l’année dernière les titres de Mondadori France, les élus ont appris ce 17 juin que l’hebdomadaire Grazia, dont l’impression est suspendue depuis fin mars, ne reviendra pas dans les kiosques. Seule une hypothétique parution « trois à quatre fois par an » est évoquée. Autre annonce : la mise en place d’un PSE de 31 suppressions de postes permanents et au moins une trentaine de journalistes pigistes. La clause de cession, lors du rachat, avait déjà décimé les ex-rédactions de Mondadori, tant les méthodes du patron de Reworld Media, Pascal Chevalier, sont connues et redoutées dans la profession.

Ce sont d’ores et déjà des centaines de postes dans la presse et les médias qui sont menacés. Comme nous le redoutions, la pandémie de Covid-19 sert de prétexte ou accélère des restructurations déjà programmées.

La liste n’est pas exhaustive et ce sont d’ores et déjà des centaines de postes dans la presse et les médias qui sont menacés. Comme nous le redoutions, la pandémie de Covid-19 sert de prétexte ou accélère des restructurations déjà programmées. Certains voient dans la multiplication des rachats, par les mêmes « investisseurs » et autres grandes fortunes, un mal nécessaire pour assurer le financement des titres de presse. Le SNJ-CGT y voit surtout une dangereuse accélération de la concentration des médias, qui s’accompagne d’une grave atteinte au pluralisme, à l’emploi, aux conditions de travail et à la qualité de l’information.

Parmi les premiers responsables, ceux-là même qui se partagent l’immense majorité des 400 millions d’euros annuels d’aides à la presse.

Parmi les premiers responsables, ceux-là même qui se partagent l’immense majorité des 400 millions d’euros annuels d’aides à la presse. Dans son éditorial de Libération du 17 juin, Laurent Joffrin demande que le « gouvernement se porte au secours » du secteur de « l’information » pour « accompagner une mutation ». Mais pour quels résultats quand ce secteur est aux mains d’affairistes ? Quand le ministre de la Culture lui-même assure, face aux syndicats de journalistes, que la concentration est inévitable et même souhaitable ?

Le système des aides à la presse doit être entièrement repensé, pour faire vivre le pluralisme, en permettant aux titres indépendants existants de perdurer et se développer et à d’autres de se créer. Les rédactions doivent bénéficier d’une réelle indépendance juridique vis-à-vis des actionnaires. Les journalistes doivent bénéficier d’une vraie protection du secret de leurs sources. Et, tout simplement, avoir les moyens matériels d’effectuer correctement leur mission d’information. Ce n’est sûrement pas en aidant davantage des milliardaires, qui voient la possession de titres de presse comme un moyen d’asseoir leur influence, que l’on y arrivera.

Montreuil, le 18 juin 2020

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