Agression du photographe de “L’Union” : la lettre de Jo, la femme de Christian

0  -  Article mis à jour le 13 mars 2021

   

Communiqué SNJ-CGT, Filpac-CGT, SNJ, CFDT de “L’Union-L’Ardennais”

Ce jeudi 11 mars 2021, à l’initiative de l’intersyndicale du journal L’Union-L’Ardennais, une assemblée était organisée à l’auditorium du siège à Reims. Lors de ce rendez-vous, les salariés de l’entreprise ont pu s’exprimer après la violente agression dont a été victime notre collègue Christian Lantenois. Vous avez été nombreux à répondre présent à notre sollicitation et à échanger librement en présentiel ou en visio. Nous vous remercions pour votre présence et la franchise avec laquelle chacune et chacun a pu s’exprimer.

Jo, la femme de Christian, nous a fait confiance pour transmettre à tout le personnel de L’Union-L’Ardennais un message fort, chargé d’émotion et de colère. « Merci de nous donner la parole en de telles circonstances… Concernant l’état de santé de Christian, le pronostic vital est toujours engagé, avec une stabilité toute relative. Tout peut basculer à tout moment, et, on ne peut toujours pas évaluer les dommages de son cerveau, provoqués par le traumatisme », a expliqué Jo en préambule, avant de donner son « propre ressenti par rapport à cette horrible situation, difficile à supporter ».

Pour honorer notre engagement vis-à-vis de l’épouse de Christian Lantenois, voici, dans son intégralité, la lettre qu’elle nous a adressée hier à midi :


« Bonjour,


Je suis Jo, la femme de Christian.
 J’essaie le plus possible de rester loin de toute cette médiatisation qui est pour moi aussi violente que le reste… De voir tous ces hommages dithyrambiques de la part de la Direction me lève le cœur et me fait plus de mal que de bien… C’est facile de se donner bonne conscience et surtout de se mettre en scène dans tous les médias…


Mi-2017, Christian – estimant avoir prouvé ce que, vu les circonstances, on lui reconnaît à l’unanimité – toujours à l’indice 160 à ce jour, demande au rédacteur en chef de l’époque de passer à l’indice 175 de grand reporter, pour finir les 6/7 ans de sa carrière et, forcément, un petit plus à la retraite… La réponse fut royalement une seule et unique prime de 300 euros fin décembre de la même année.

On lui a répondu qu’ils allaient voir, en discuter en réunion, que ça suivait son cours, qu’il fallait être patient et, bien sûr, au bout de quelques relances, de toujours avoir une réponse évasive, Christian s’est rendu compte qu’on le menait en bateau, qu’on se fichait de lui, a laissé tomber…

C’était là le bon moment de lui prouver la reconnaissance de son travail ! ! Pas sur son lit d’hôpital entre la vie et la mort…


C’était là le bon moment de lui prouver la reconnaissance de son travail ! ! Pas sur son lit d’hôpital entre la vie et la mort…


Donc pour conclure, vous traitez l’actualité comme vous voulez, mais cessez cette mascarade de témoignages de collègues même sur les ondes (en plus de personnes qui l’ont peu connu) de la reconnaissance de sa passion, de sa disponibilité, de son sérieux et de son professionnalisme…


En plus, voir vos infos sur son état de santé me sont insupportables et, la plupart du temps, fausses. Vous ne vivez pas ce qu’il vit et ce que nous vivons… Donc un peu de décence et de respect à son égard. Si le pire arrive, il sera grand temps de vous remettre en scène…

Quand le soufflé sera retombé, les seuls qui seront encore à ses côtés, seront ses proches, enfants, petits- enfants et moi ! Par contre, je tiens à souligner les témoignages des lecteurs, les témoignages sur les réseaux sociaux de tous ceux qui l’ont connu, qui l’ont côtoyé.

Quand le soufflé sera retombé, s’il y a une suite, avec ses lourdes séquelles… nous ne retrouverons jamais le Christian que nous avons connu, et, les seuls qui seront encore à ses côtés, seront ses proches, enfants, petits- enfants et moi !


Par contre, je tiens à souligner que les témoignages des lecteurs, les témoignages sur les réseaux sociaux de tous ceux qui l’ont connu, qui l’ont côtoyé dans tant de domaines divers et variés, le portrait de la ville de Reims, le pochoir de Kusek me font chaud au cœur de cette reconnaissance de toutes les qualités de l’homme qu’il était et ne sera plus jamais… Eux n’ont rien à gagner que de lui témoigner leur soutien ! »

Les thématiques abordées lors de la réunion d’hier :

  • Prise de parole après l’information sur l’état de santé de Christian.
  • Recherche d’initiatives des salariés de L’union-L’Ardennais pour réconforter la famille de 
Christian. Vos idées sont les bienvenues.
  • Le « traitement » et la mise en scène de l’information autour de l’agression de Christian sur 
nos supports sans la moindre considération humaine pour notre collègue (tag Christian Lantenois, demande de « vidéo chiadée » destinée à être reprise par tous les titres en France, les réactions politiques agrégées dans des revues de presse, fierté et jubilation de nos rédactrices en chef à la réception de messages venant des différentes institutions ministérielles).
  • La communication à outrance de la marque L’Union et la valorisation des personnes alors que notre collègue est entre la vie et la mort à l’hôpital.
  • La nécessité de redéfinir le traitement des faits divers dans nos colonnes et sur le Web (rédiger une énième charte ou appliquer celle qui existe déjà ?)
  • Le manque de recul de la direction et de la rédaction en chef quand il s’agit du pouvoir politique : « Rien ni personne n’entravera notre volonté d’informer. » Vraiment ?
  • La nécessité d’expliquer aux jeunes, notamment celles et ceux en CDD à qui on fait miroiter un CDI, les potentiels dangers sur leur zone de diffusion pour qu’ils ne prennent pas des risques inconsidérés.
  • La pertinence ou plutôt l’impertinence de brandir la liberté d’expression et la fierté d’être journaliste pour « séduire » le grand public. En interne, c’est plutôt la prime à la docilité…
  • La non-sollicitation ni l’ouverture des colonnes du journal aux représentants du personnel et délégués syndicaux, comme cela se fait normalement après de tels faits graves (agression de policiers, pompiers, professeurs…) et donc la question de la liberté d’expression.

La réunion extraordinaire du Comité social et économique du 2 mars 2021 en quelques lignes :

Lors de cette réunion demandée après l’agression de Christian, les points ci-dessous ont été actés :

  • Des voitures de l’entreprise seront défloquées pour permettre aux journalistes de se déplacer incognito et plus sereinement
  • Les photographes seront équipés de matériels plus légers et plus discrets
  • Les rédacteurs et photographes seront dotés en matériel de protection (casques, gilets, etc.) 
afin de minimiser les risques lors de reportages dans des situations tendues
  • Les rédacteurs et photographes qui sont pressés par leur hiérarchie pour aller au plus proche 
de l’action peuvent, s’ils se sentent en danger, exercer leur droit de retrait
  • Nous avons aussi demandé à ce que les managers au desk fassent plus confiance aux 
journalistes confrontés aux réalités du terrain
  • Expliquer notre métier, faire de l’éducation aux médias dans les quartiers : « Ces pistes 
seront étudiées en fonction de nos possibilités », a affirmé Daniel Picault, le directeur général
  • Vous pouvez prendre un rendez-vous à la médecine du travail de votre département si vous 
estimez avoir besoin d’un accompagnement après l’agression de Christian

Le 12 mars 2021.

Télécharger le communiqué en PDF

Top