Lettre aux parlementaires des salariés de l’INC
Madame, Monsieur,
L’Institut National de la Consommation (INC) est en danger. Ce n’est pas la première fois qu’il est menacé de disparition mais cette fois-ci pourrait bien être la bonne.
La direction de l’établissement a présenté en février un plan de réorganisation, faisant suite à une mission de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et à un audit du Boston Consulting Group. Il se traduit par la suppression de 11 postes et le licenciement collectif pour motif économique de 7 personnes, soit plus de 10% de l’effectif actuel de 68 salariés.
Ce plan ne permettra pas à l’INC de prendre un nouveau départ. Les études commanditées par les élus ont montré que les licenciements envisagés ne représentent pas une économie significative et qu’elles ne permettront pas d’améliorer les comptes de l’établissement. En revanche, ces licenciements affaibliront de façon certaine les capacités de production de l’Institut, et entraîneront l’abandon d’une partie de ses missions de service public, dont des services d’appui aux associations de consommateurs. Ce plan ressemble à la première étape d’un projet visant à faire mourir l’INC à petit feu, et à faire des dégâts irréversibles au sein du monde consumériste.
Deux principaux facteurs sont à l’origine de la situation financière dégradée de l’INC:
- une baisse continue de la subvention de l’État depuis une dizaine d’années. Elle est ainsi passée de 3,8 millions en 2012 à 1,8 million en 2020;
- une baisse des recettes commerciales. Comme de nombreux journaux, 60 Millions de consommateurs, le magazine de l’INC, a souffert des manifestations, des grèves SNCF, des confinements et de la faillite du distributeur de presse Presstalis (laissant une ardoise à l’INC de 1,4 million d’euros), alors même qu’il n’a pu obtenir d’aides dédiées à la presse de par le statut d’Épic de l’INC. L’Institut n’a pu obtenir qu’une dotation exceptionnelle de l’État en 2020, insuffisante pour relancer l’établissement.
Dans les circonstances actuelles:
- 1) L’Institut National de la Consommation a besoin d’être aidé et valorisé, pas d’être tiré vers le bas. Notre tutelle, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) déclare vouloir notre maintien mais s’obstine à demander à l’INC de se débrouiller seul. Aucune synergie n’a été déployée, tant et si bien que la DGCCRF et l’INC ont réalisé à quelques mois d’écarts un essai sur des couches bébé pour lequel un budget aurait pu être mutualisé. De même, Barbara Pompili a annoncé la création d’un Toxico Score alors que l’INC a mis au point un Cosméto’score et un Ménag’score : pourquoi ne pas profiter de l’expertise de l’INC et préférer reprendre à zéro dans un autre service de l’Etat un nouveau système d’évaluation quand il en existe un, financé par de l’argent public, déjà rôdé et qui a obtenu le soutien des consommateurs ? Pour toutes ces raisons, les salariés souhaitent que la piste d’un rattachement au Premier ministre soit étudiée pour tenir compte de la diversité de ses activités (santé, environnement, alimentation, logement, etc.).
- 2) La subvention d’État doit être garantie sur plusieurs années, elle ne doit plus baisser. Nos missions, définies en 1966, restent plus que jamais d’actualité. Les consommateurs et les associations de consommateurs ont toujours besoin d’études, d’essais comparatifs, d’enquêtes, d’alertes, de mises en garde, de conseils juridiques, de fiches pratiques, etc.
- 3) Un Contrat d’objectifs et de performance (COP) doit être signé, il ne doit plus être reporté. Établissement public à caractère industriel et commercial (Épic), l’INC doit avoir un COP comme le rappelait la Cour des Comptes en 2017 (lire ici). Il en a pourtant été privé entre 2009 et 2014,et à nouveau depuis 2018.
- 4) Les salariés de l’INC doivent être préservés, il faut cesser de les malmener. Dans un contexte difficile, les salariés sont restés mobilisés,n’hésitant pas, pendant le premier confinement, à mettre en ligne une lettre quotidienne d’information, «60 Millions de confinés» adressée à plus de 20 000 abonnés. Un rapport commandité par les élus en avril dernier a souligné un danger d’exacerbation des risques psychosociaux avec le plan présenté par la direction.
En ce mois de juillet 2021, les salariés de l’INC souhaitent vous demander:
- d’interpeller nos ministres de tutelle, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, et Alain Griset, ministre chargé des PME, sur leurs intentions concernant l’INC et le mouvement consumériste dans son ensemble. L’INC est en première ligne mais les associations de consommateurs sont aussi menacées depuis des années
- d’assurer la défense du décret qui régit nos missions (articles L. 822-1, L. 822-2, R. 822-1 et suivants du code de la consommation) (1). Plusieurs d’entre elles vont disparaître avec le plan annoncé par la direction. Il s’agit ni plus ni moins d’un début de démantèlement de l’Institut,alors même qu’elles pourraient être renforcées en élargissant leur périmètre (vers la consommation responsable par exemple) ;
- de garantir un financement pérenne de nos missions et des associations de consommateurs à travers l’adoption du prochain projet de loi de finances.
Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de notre plus haute considération.
Les salariés mobilisés pour la défense de l’Institut National de la Consommation.
Paris, le 9 juillet 2021.
(1) Ces missions consistent à:
- fournir un appui technique aux associations de défense des consommateurs
- regrouper, produire, analyser et diffuser des informations, études, enquêtes et essais
- mettre en œuvre des actions et des campagnes d’information, de communication, de prévention, de formation et d’éducation sur les questions de consommation à destination du grand public, ainsi que des publics professionnels ou associatifs concernés
- apporter un appui technique aux commissions placées auprès de lui et collaborer à l’instruction de leurs avis et recommandations.
Contacts:
Antoine Champion, représentant des salariés élu au CA de l’INC / a.champion@inc60.fr / 06 84 46 93 24
Lionel Maugain, Délégué syndical SNJ-CGT de l’INC / l.maugain@inc60.fr / 06 99 90 44 24
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