Reflets.info : la dangereuse interdiction
 de « publier de nouvelles informations »

0  -  Article mis à jour le 13 octobre 2022

Communiqué du SNJ-CGT

Ainsi, la justice peut ordonner à un titre de presse « de ne pas publier […] de nouvelles informations » et le condamner à verser 4.500 euros de frais de justice, alors même qu’elle reconnaît qu’il n’a rien commis de répréhensible… C’est ce que vient de faire le tribunal de commerce de Nanterre à l’encontre du site Reflets.info, accusé par le groupe Altice de viol du secret des affaires.

Reflets.info, qui se définit comme un « journal d’investigation en ligne et d’information-hacking », a publié en septembre une série d’articles (voir ici), portant notamment sur le train de vie de Patrick Drahi, patron d’Altice (SFR, BFM, RMC…) et de sa famille.

On y apprend ainsi qu’en juin, Patrick Drahi a volé seul dans un jet privé pouvant accueillir 18  personnes, pour une facture de 69.300 €. Reflets.info fait état de « tableaux d’artistes célèbres (Picasso, Chagall, Delacroix, Kandinsky, Dubuffet, Giacometti, la liste est très longue), des voitures de luxe en pagaille, des voyages en jets privés à gogo, des maisons, des appartements, des donations aux enfants en centaines de millions, des paiements d’un montant astronomique alloués à certains collaborateurs… » Il écrit également que « Lina, la femme de Patrick Drahi, s’est offert chez Sotheby’s un diamant de 5,29 carats pour 2,2 millions de francs suisses ».

Ces articles se basent sur des données récupérées par le groupe de hackers Hive, qui en a publié une partie, après le refus d’Altice de payer une rançon.

Le tribunal estime que de possibles nouvelles parutions, à partir de ces données, font courir un « dommage imminent » au groupe.

L’ordonnance du tribunal de commerce (lire ici) souligne à raison que Reflets.info « n’est pas l’auteur du piratage » et que les informations publiées « relèvent éventuellement de la vie privée » de Patrick Drahi mais « certainement pas du “secret des affaires” au sens de la loi ». Il n’a donc pas ordonné le retrait des articles en question. En revanche, le tribunal estime que de possibles nouvelles parutions, à partir de ces données, font courir un « dommage imminent » au groupe, pour justifier son interdiction.

Le SNJ-CGT dénonce ni plus ni moins un acte de censure.

Le SNJ-CGT dénonce ni plus ni moins un acte de censure.

«  L’effet voulu, c’est à dire un procès-bâillon pour faire taire les journalistes, est atteint. D’une part, ce procès nous coûte une fortune au regard de notre chiffre d’affaires annuel. D’autre part, nous ne pouvons plus exercer notre métier : informer les citoyens à propos de sujets d’intérêt général, afin qu’ils puissent exercer leur libre arbitre », écrit Reflets.info dans un communiqué (lire ici).

Les milliardaires patrons de presse ont décidément un problème avec le droit d’informer et d’être informé. On sait que Vincent Bolloré est également adepte des procédures bâillons et que Bernard Arnault a fait espionner les équipes du journal Fakir.

Les milliardaires patrons de presse ont décidément un problème avec le droit d’informer et d’être informé. On sait que Vincent Bolloré est également adepte des procédures bâillons (lire notre communiqué du 11 février 2021 “Bolloré perd son procès contre Mediapart“) et que Bernard Arnault a fait espionner les équipes du journal Fakir (lire la tribune du 17 février 2022, co-signée par le SNJ-CGT).

On peut également citer les poursuites en diffamation d’Avisa Partners contre Arrêt sur Images, Mediapart et Reflets.info – d’autres médias ont été mis en demeure -, pour avoir enquêté sur cette « société d’intelligence économique et de cybersécurité », qui fournit à la presse et à des blogs des articles et des tribunes bidon, pour défendre les intérêts de ses clients, même les moins recommandables.

Ces pratiques doivent cesser.

Voilà d’ailleurs un sujet en or pour les États généraux du droit à l’information, qu’Emmanuel Macron et le ministère de la Culture comptent lancer en novembre.

Montreuil, le 6 octobre 2022.

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