Halte à la haine, sur C8 et ailleurs!

0  -  Article mis à jour le 17 novembre 2022

Communiqué du SNJ-CGT

Le SNJ-CGT s’insurge contre les insultes et intimidations de Cyril Hanouna à l’encontre du député LFI Louis Boyard sur l’antenne de C8 (groupe Canal + / Vivendi) et demande à l’Arcom de faire son travail de régulateur de l’audiovisuel, en sanctionnant cette attitude inqualifiable.

«Arrête de te la raconter, je m’en bats les couilles que tu sois élu! Tu crois que j’ai peur de toi ou quoi?»

«Arrête de te la raconter, je m’en bats les couilles que tu sois élu! Tu crois que j’ai peur de toi ou quoi?» «Espèce d’abruti!» «Tu fais le malin, t’es une merde!» «Allez, barre-toi!  » Voilà à quoi a eu droit le député dans l’émission Touche pas à mon poste (TPMP) du 10 novembre (voir la séquence ici). Il s’agissait au départ de «débattre» de la question «Ocean Viking  : faut-il accueillir le bateau de 234 migrants en France?», à laquelle les téléspectateurs  de C8 ont répondu «non» à 80%.

Tout s’est envenimé quand Louis Boyard a appelé à ne pas «opposer les Français pauvres aux immigrés», rappelant qu’«aujourd’hui, en France cinq personnes [qui] possèdent autant que 27  millions de personnes […] appauvrissent la France et l’Afrique». Il a cité Vincent Bolloré, patron de Vivendi, «qui a déforesté le Cameroun», en «procès avec 150 personnes [camerounaises]».

«Je ne crache pas dans la main qui me nourrit», a fini par lâcher Cyril Hanouna, rappelant à Louis Boyard qu’il avait lui-même été chroniqueur dans son émission. Accusant l’animateur d’être un «irresponsable» qui fait «son beurre sur Zemmour», le député a affirmé qu’à l’époque, l’équipe de TPMP l’avait incité à «tenir des propos communautaristes». Les téléspectateurs ont également eu droit à un beau lapsus de Cyril Hanouna: «Je suis le premier à défendre le racisme!»

Les travaux de la chercheuse au CNRS Claire Sécail ont montré que pendant la précampagne puis la campagne présidentielle de 2022, l’extrême droite s’est taillée une part de 52,9% puis 40,5% de temps d’antenne dans les sujets politiques de TPMP.

Les travaux de la chercheuse au CNRS Claire Sécail (à télécharger ici et ici) ont montré que pendant la précampagne puis la campagne présidentielle de 2022, l’extrême droite s’est taillée une part de 52,9% puis 40,5% de temps d’antenne dans les sujets politiques de TPMP. Pendant la précampagne, Eric Zemmour, pas encore candidat, a même bénéficié de 6,5 fois plus de temps d’antenne que Marine Le Pen.

Valentine Oberti, journaliste à Mediapart et coréalisatrice du documentaire Media Crash, qui donne notamment la parole à la sociologue, l’avait souligné lors du débat «Discours de haine: journalistes et médias victimes ou complices?», organisé le 24 mai dernier par le SNJ-CGT (visionner ici l’intégralité du débat, l’intervention de Valentine Oberti est à 5 min 30 s et l’extrait de Media Crash à 2 h 1 min). «Si ni Bolloré ni Zemmour n’ont gagné dans les urnes, rappelait-elle, ils ont en partie gagné la bataille médiatique en imposant à la fois le champ lexical de l’extrême droite et ses thématiques.»

«Si ni Bolloré ni Zemmour n’ont gagné dans les urnes, ils ont en partie gagné la bataille médiatique en imposant à la fois le champ lexical de l’extrême droite et ses thématiques.»

Dans ce même débat, Jean-Baptiste Rivoire (son intervention est à 2 h 8 min), ancien rédacteur en chef de l’émission Spécial Investigation, a retracé la prise de pouvoir de Vincent Bolloré à Vivendi et Canal + et la censure qui a suivi. Dans le N°80 de Témoins, le magazine du SNJ-CGT (lire ici, en page 15), il avait notamment évoqué l’annulation d’un documentaire sur le Crédit Mutuel et le retrait des plates-formes de rediffusion d’un reportage sur le Togo.

Vincent Bolloré est aussi celui qui a mis au pas les rédactions de I-Télé, devenue CNews (lire notre communiqué du 24 octobre 2016 «Solidarité avec les salariés d’Itélé»), d’Europe  1 (lire notre communiqué du 20 juin 2021 «Soutenir les grévistes d’Europe 1, c’est défendre l’indépendance des médias») et de Paris-Match (lire notre communiqué «Éviction à Paris-Match: 
où s’arrêtera l’interventionnisme de Vincent Bolloré?»), mis la main sur le premier groupe français de presse magazine, Prisma Media, ou encore sur la maison d’édition Editis, qui a suspendu la parution du livre de l’humoriste Guillaume Meurice.

Mais aussi caricaturales soient-elles, les pratiques de Vincent Bolloré ne sont que le symptôme de la concentration des médias, qui place dans les mains d’une poignée de milliardaires les plus grands tirages de la presse et certaines des plus importantes audiences de l’audiovisuel.

Mais aussi caricaturales soient-elles, les pratiques de Vincent Bolloré ne sont que le symptôme de la concentration des médias, qui place dans les mains d’une poignée de milliardaires les plus grands tirages de la presse et certaines des plus importantes audiences de l’audiovisuel. Interventions sur la ligne éditoriale, censure et atteintes à la liberté d’informer et d’être informé n’en sont que les conséquences.

Les «États généraux du droit à l’information», annoncés par Emmanuel Macron et censés s’ouvrir à la fin du mois, seraient bien inspirés de s’emparer de ces questions.

Les «États généraux du droit à l’information», annoncés par Emmanuel Macron et censés s’ouvrir à la fin du mois, seraient bien inspirés de s’emparer de ces questions.

Pour sa part, le SNJ-CGT prône depuis des années une redéfinition et une véritable application des seuils de concentration, la remise à plat des aides à la presse, la reconnaissance juridique des rédactions, ainsi que des dispositifs légaux pour assurer leur indépendance vis-à-vis des actionnaires.

Les dernières outrances de Cyril Hanouna posent également une autre question. Même avec toutes les bonnes intentions du monde, peut-on apporter sur de tels plateaux une parole progressiste  ? Ou y participer entretient-il le cirque médiatique sur lequel prospèrent ces médias  ?

Montreuil, le 12 novembre 2022.

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