Communiqué de la CGT France Télévisions
Un trou noir, c’est toujours difficile à voir. L’absence, ça passe souvent inaperçu. Pourtant, nos JT nationaux, enfin ce qu’il en reste après la disparition des éditions de France 3, sont de véritables gruyères. Mais attention, il ne faut pas en parler. C’est de l’éditorial! Nous dit le président de la commission déontologie. Ça n’a pas sa place dans cette instance.
Alors, où en parler? En conférence critique? Aujourd’hui, cela ressemble plutôt à une salle de classe, où les rédacteurs en chef distribuent bons points et mauvais points, comme des maîtres d’école.
C’est pourtant le rôle des syndicats de veiller au bon équilibre de l’information sur nos antennes, à moins de considérer qu’ils n’ont pas leur mot à dire.
Samedi 9 sptembre, cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de rugby au Stade de France. Emmanuel Macron se fait copieusement huer par des dizaines de milliers de supporters. Pas un mot, pas une image sur France 2, comme dans les régimes où l’information est sous contrôle.
«L’Œil de la CGT» s’est donc tourné vers le week-end du 9 et 10 septembre. Samedi soir, cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de rugby au Stade de France. Emmanuel Macron se fait copieusement huer par des dizaines de milliers de supporters. Pas un mot, pas une image sur France 2, comme dans les régimes où l’information est sous contrôle. Rien non plus sur le chaos vécu par les supporters anglais au stade vélodrome. «Pour le plus grand bonheur des supporter anglais, les déguisements sont de sortie, dans la bonne humeur», nous dit-on dans le 13h du lendemain. Alors que c’était une pagaille sans nom à l’entrée du stade, des centaines de supporters bloqués, ratant les premières minutes du match. Il n’y avait qu’à voir les images sur les réseaux sociaux, mais cette fois, elles n’intéressaient pas les éditions.
Rien de tout cela non plus sur France Info le soir du match. Du sport, rien que du sport, et pas de polémiques. Il faut aller sur X, Instagram, You Tube, ou lire la presse étrangère pour savoir ce qui se passe vraiment dans notre pays!
Fin août, Nicolas Sarkozy est renvoyé devant les juges après dix ans d’enquête pour le financement présumé de sa campagne de 2007 avec de l’argent libyen. Ce n’est pas rien pour un ancien Président. Mais de cette information majeure, les téléspectateurs de France 2 n’en sauront rien.
Remontons un peu en arrière. «L’Enquête de la CGT» s’est penchée cette fois sur le traitement de l’affaire Nicolas Sarkozy. Fin août, l’ancien chef de l’État est renvoyé devant les juges après dix ans d’enquête pour le financement présumé de sa campagne de 2007 avec de l’argent libyen. Il est accusé de «recel de détournement de fonds publics», «corruption passive», «financement illégal de campagne électorale» et «association de malfaiteurs en vue de commettre une infraction punie de dix ans d’emprisonnement». Ce n’est pas rien pour un ancien Président. Mais de cette information majeure, les téléspectateurs de France 2 n’en sauront rien. Évidemment Nicolas Sarkozy est présumé innocent. Mais Donald Trump, lui non plus, n’est pas encore jugé dans l’affaire qui le conduit devant les tribunaux américains. Et pourtant, il a droit à un sujet et un plateau dans le même 20h, dont Sarkozy est le grand absent. Le 19/20 de France 3, lui, sauve l’honneur du service public en faisant un off plateau. Mais de toute façon, les téléspectateurs auront bien du mal à s’en rendre compte puisque le 19/20 ancienne formule a complètement disparu du site france.tv. Effacer l’historique, c’est ajouter le mépris à la mise à mort!
Cette semaine-là, un autre événement est passé totalement inaperçu. Un «Convoi de l’eau» est monté des Deux-Sèvres jusqu’à Paris pour réclamer une autre politique de gestion de l’eau que celle imposée par l’agriculture intensive. En revanche, en cette semaine de canicule, France 2 met en avant ces entreprises qui font des économies d’eau. Le capitalisme vert, plutôt que ces militants qui remettent en cause le système à l’origine de l’effondrement écologique.
Cette semaine-là, un autre événement est passé totalement inaperçu. Un «Convoi de l’eau» est monté des Deux-Sèvres jusqu’à Paris pour réclamer une autre politique de gestion de l’eau que celle imposée par l’agriculture intensive. Il était conduit par les Soulèvements de la terre, un mouvement dont se revendiquent pourtant 150.000 personnes après sa dissolution. Silence radio au
20h. Il est vrai que contrairement à Sainte-Soline, la manifestation s’est déroulée dans le calme. Ça ne colle pas trop avec l’image d’éco-terroristes, répandue par le gouvernement.
En revanche, en cette semaine de canicule, France 2 met en avant ces entreprises qui font des économies d’eau. Le capitalisme vert, plutôt que ces militants qui remettent en cause le système à l’origine de l’effondrement écologique. Espérons que ce ne soit pas la ligne éditoriale du futur service climat-environnement.
Il y a certainement d’autres trous noirs qui n’ont pas été repérés par nos écrans radars, et des oublis sincères de la part de nos éditions, car évidemment, on ne peut pas tout traiter, mais il y en a d’autres qui sont difficilement justifiables, comme l’absence sur France 2 du débat sur la loi LIOT, mettant fin à six mois de mobilisation contre la réforme des retraites. Une information pourtant essentielle, qui en dit long sur le fonctionnement de notre démocratie. Rappelons quand même que selon la Charte de Munich, ne pas supprimer les informations essentielles fait partie des dix devoirs des journalistes.
Tout cela est d’autant plus grave que ces silences sont accompagnés de la présence envahissante de Marine Le Pen et des thématiques de l’extrême droite dans nos JT, tandis que la gauche, les mouvements sociaux sont maltraités.
Tout cela est d’autant plus grave que ces silences sont accompagnés de la présence envahissante de Marine Le Pen et des thématiques de l’extrême droite dans nos JT, tandis que la gauche, les mouvements sociaux sont maltraités. Dernier exemple en date, le week-end dernier où, comme au 1er mai, le discours de Marine Le Pen est diffusé in extenso sur France Info, et les JT font des tartines sur sa rentrée politique. Rattrapage de temps d’antenne, certes, mais pas besoin d’être complaisant, ou d’en profiter pour taper sur LFI comme au 20h du dimanche 10 septembre. Tandis que Marine Le Pen pérore le week-end dernier sur France Info, la fête de l’Humanité n’est traitée que par le biais de la visite du prétendant de droite à la présidentielle, Edouard Philippe. Et encore, en expurgeant du sujet le moment significatif où un spectateur monte sur scène pour lui voler le micro et lui rappeler sa répression brutale contre les Gilets Jaunes. Mini trou noir…
Les choix éditoriaux sont peut-être une prérogative des éditions et de la direction de l’information, mais à ce niveau de déséquilibre et de parti pris, il est urgent d’en discuter avec les organisations syndicales.
Paris, le 29 septembre 2023.
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