Réponse de LO à notre lettre

0  -  Article mis à jour le 28 août 2017

LO (Lutte ouvrière) dont la candidate déclarée est Nathalie Arthaud, est la deuxième organisation à avoir répondu à notre lettre aux candidats à la présidentielle. Nous vous livrons ci-dessous sa réponse.

Aux militants et aux élus de la CGT

Vous m’interpellez à l’occasion de cette campagne présidentielle sur nombre de sujets liés à l’audiovisuel, en particulier public, qui vous préoccupe à juste titre. Je perçois par ailleurs à travers vos questions une inquiétude légitime sur le sort réservé dans les prochaines années, voire les prochains mois à ce secteur qui, comme vous le rappelez vous-mêmes a subi de plein fouet la politique d’austérité menée par les gouvernements de droite comme de gauche. N’ayant pas comme ambition dans cette campagne de devenir présidente de la République et de gérer cette société capitaliste que je combats, je ne m’engagerai pas par le présent courrier à appliquer tel ou tel programme, c’est-à-dire à faire une de ces promesses sans lendemain que les politiciens qui lorgnent vers le fauteuil élyséen multiplient le temps de la campagne pour mieux s’asseoir dessus par la suite. Dans ce domaine comme dans d’autres, je suis en effet pour renverser et inverser l’ordre des choses et partir des préoccupations des travailleurs eux-mêmes et de leur force collective pour les imposer.

J’entends en revanche répondre aux trois dimensions que votre lettre soulève, à savoir la place de l’audiovisuel public, la question plus générale des médias et de leur rôle et, enfin, les droits des travailleurs.

L’audiovisuel public

Je suis bien entendu pour la défense de l’audiovisuel public, et l’élargissement de ses domaines d’intervention dans la culture, le numérique, etc., et ce dans toutes les régions, comme je milite d’une façon générale contre la mainmise de la bourgeoisie, des grands actionnaires sur l ‘économie. Mais ce serait être bien naïf que de croire que le caractère « public » de ce secteur le protège des influences, des pressions, voire du contrôle indirect par les mêmes sociétés privées par l’entremise de la publicité, de la coproduction et de multiples liens. Le secteur public est tout autant et depuis longtemps une vache à lait pour nombre d’affairistes. Quant aux pressions du pouvoir lui-même, elles sont là encore multiples, même si elles ont changé de forme depuis l’époque du général de Gaulle et de « la voix de son maître »… Et ce n’est pas davantage une inscription dans la Constitution, voire une nouvelle Constitution, qui garantirait la défense de l’audiovisuel public et de ses travailleurs. Le droit du travail, comme celui au logement et l’égalité hommes-femmes y sont gravés depuis bien longtemps. Et l’on peut voir avec quelle efficacité, comme en témoignent d’ailleurs vos propres questions.

Le CSA ne garantit d’ailleurs en rien le pluralisme de l’information et des programmes, et il ne s’est d’ailleurs pas opposé, au nom de sacro-sainte propriété privée, aux décisions du magnat Bolloré et du groupe Canal plus. Pas plus que dans le passé il ne s’est opposé au licenciement des quelques journalistes qui avaient osé poser certaines questions ou faire quelques observations gênantes pour certains invités à l’antenne. Pourquoi également le secteur public continue-t-il de répandre, sur les fonds publics donc, la parole religieuse chaque semaine, alors que la voix des athées y est continuellement absente ?

Le principe d’équité mis en avant par le CSA, censé s’imposer dans cette campagne, illustre une supercherie et un scandale démocratique en vérité permanent. Quant à la redevance télé, loin d’être « moderne et équitable » comme le prétendait Aurélie Filipetti lorsqu’elle était encore ministre, elle est, comme la TVA, un impôt injuste touchant indistinctement le salarié payé au SMIC et le bourgeois qui verse à l’ISF.

Je suis donc pour supprimer la redevance télé et pour « faire payer les riches » à savoir les grandes chaînes privées comme TF1, M6, Canal Plus, comme toutes celles qui sont apparues ces dernières années et qui appartiennent toutes à des capitalistes riches à milliards. Je suis par ailleurs pour supprimer la publicité sur les chaînes publiques. Les chaines et radios publiques pourraient être un moyen fantastique de cultiver, d’ouvrir l’esprit de tous, et non d’être le vecteur des intérêts économiques des grands groupes à travers la publicité.

Les médias en général

Imaginer réguler l’audiovisuel, est un vœu aussi pieu que vouloir introduire de la morale, voire de la « vertu », au monde des affaires. Autant demander du lait à un bouc ! Car ce sont aujourd’hui pour l’essentiel les groupes capitalistes les plus puissants qui ont le contrôle de l’audiovisuel privé, directement, ou de façon plus sournoise par la pression des annonceurs et la dictature de l’audimat. La grève récente des journalistes d’itélé et la façon dont ils ont été traités par le groupe Bolloré montrent tout le mépris qu’ont ces gens-là pour cette profession et combien ils comptent la transformer en autant de laquais et les chaînes elles-mêmes en studio d’enregistrement de leur propre parole et de leur propre vision de la société.

Les grandes manœuvres de ces dernières années dans le secteur de la presse et des médias sont comparables à ce qui se passe dans le reste de l’économie, à coups de fusion et d’acquisition sur le dos des salariés de ces groupes et sans la création d’une valeur nouvelle. La différence est que ces groupes ont un pouvoir exorbitant de « faiseur d’opinion » et que les combattre est donc une nécessité vitale. Les mettre hors d’état de nuire suppose un combat bien plus vaste, mais au combien nécessaire pour changer de fond en comble la société.

Les droits des travailleurs

Il ne vous aura pas échappé je pense que ma campagne a pour raison d’être de faire entendre le camp des travailleurs, pour préparer les luttes de demain de la façon la plus consciente possible qui seules seront en mesure d’imposer nos revendications. Aussi, lorsque vous me demandez si « je compte » ou si je « maintiendrai » tel ou tel point, je récuse par avance avoir un tel pouvoir, même dans l’hypothèse, pour le moins improbable, où je serai effectivement élue. Défendre ses droits et en imposer de nouveau passe pour chacun d’entre nous par un rapport de force collectif.

Je comprends pour autant qu’une telle réponse pourrait sembler dilatoire.

S’il y avait besoin de vous rassurer sur ce point, je partage l’idée que vous évoquez de combattre le recours aux CDD et à toutes les formes de précarité qui frappe notamment les plus petites catégories de travailleurs de votre secteur, comme la lutte des intermittents l’a rappelé ces dernières années. Aucun recul supplémentaire n’est concevable. Et il faudra donc imposer des mesures contraignantes, interdire quand cela sera nécessaire par la pression constante des salariés eux-mêmes et leur contrôle sur le fonctionnement du secteur tout entier. Mon espoir en effet n’est pas seulement que les travailleurs puissent accéder plus nombreux dans les sièges des conseils d’administration car on sait, si l’on prend l’exemple de l’Allemagne, combien ce mythe de la « co-gestion » cache d’attaques, bien réelles cette fois, contre les travailleurs. J’aspire à une société ou la transparence la plus totale existera et où le pouvoir appartiendra aux travailleurs eux-mêmes. Pour aller vers cette vois là, il faut que dès aujourd’hui les salariés de l’audiovisuel dispose d’un droit de contrôle sur les comptes et les décisions et du secteur public et des capitalistes qui en ont fait un terrain de jeu et de chasse ces trois dernières décennies.

Quant à la situation des femmes, l’existence de plusieurs lois combattant l’exploitation et les discriminations n’ont malheureusement guère fait reculer ces pratiques. Des sanctions plus sévères peuvent être nécessaires. Mais, encore une fois, c’est par la lutte consciente, organisée, de toutes et de tous que nous ferons, j’en suis persuadée, reculer ces pratiques d’un autre âge. Ce fut dès son origine la force du mouvement ouvrier que de porter en son sein, dans le combat pour une société débarrassée du capitalisme, toutes les formes d’émancipation. Alors, c’est dans cette tradition, et avec cette perspective, que mon combat et celui de mes camarades se situe.

Avec toute ma solidarité

Nathalie Arthaud

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