Communiqué SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, SGJ-FO
« Saisi de vingt-deux articles de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, le Conseil constitutionnel en valide quinze, tout en assortissant quatre d’entre eux de réserves d’interprétation, et en censure totalement ou partiellement sept. Il censure en outre d’office cinq autres dispositions ayant le caractère de “cavaliers législatifs” ».
Cette décision annoncée le 20 mai par le Conseil constitutionnel est un sérieux camouflet pour le gouvernement et sa majorité parlementaire.
Rarement une loi aura fait l’objet de si nombreuses critiques, avec par exemple plusieurs dizaines de saisines du Conseil constitutionnel. Les défenseurs des libertés, dont le Syndicat national des journalistes (SNJ), le SNJ-CGT, la CFDT Journalistes et le SGJ-FO, ont donc remporté une belle victoire.
Cependant, si le gouvernement et les parlementaires, qui ont voulu et voté cette loi, sont fortement désavoués par l’analyse des Sages, ils ne s’arrêteront pas là. Le ministre de l’Intérieur fera tout pour aboutir aux résultats ardemment exigés par une partie des syndicats de policiers.
Le Conseil constitutionnel, qui dans sa décision s’adresse aux parlementaires, semble avoir ignoré les 28 autres saisines des instances représentatives de défense des libertés et celles, nombreuses, des citoyens.
Le Conseil nous donne raison sur plusieurs points essentiels :
– l’article 52 (anciennement 24), réécrit, sur le désormais fameux délit de « provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un agent de la police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police, d’un agent de douane lorsqu’il est en opération » est censuré comme suit : « Le législateur n’a pas suffisamment défini les éléments constitutifs de l’infraction. Dès lors, le paragraphe 1 de l’article 52 méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines (…). Ce paragraphe est donc contraire à la Constitution. » On ne peut dire mieux !
– censurée une grande partie de l’article 47 sur l’utilisation des drones : « Les dispositions contestées permettent la captation et la transmission d’images concernant un nombre très important de personnes, y compris en suivant leur déplacement, dans de nombreux lieux et, le cas échéant, sans qu’elles en soient informées. Elles portent donc atteinte au droit au respect de la vie privée. » Cependant, le principe de leur utilisation est validé selon des conditions à revoir.
– Censuré aussi l’article 48 sur les caméras embarquées, qui permettait la captation, l’enregistrement et la transmission d’images, y compris de l’intérieur des immeubles ainsi que de leurs entrées, sans dûment en informer le public, et dans certaines hypothèses sans limite fixée de durée et de périmètre, le tout sans autorisation ni même information d’une autorité de contrôle. Cet article, en ce qu’il méconnaît le droit au respect de la vie privée, est « contraire à la Constitution ».
Mais le Conseil constitutionnel a validé bon nombre de dispositions très dangereuses, comme la multiplication des possibilités de contrôle et la privatisation de certaines missions régaliennes de sécurité de l’Etat, confirmant bien que cette loi devrait en fait porter le nom de « Loi de surveillance globale ».
Enfin, dans ce mille-feuilles législatif permanent, où une loi peut toujours en cacher une autre, le désormais censuré article 24, existe sous une forme encore plus pernicieuse à travers l’article 18 du projet de loi « confortant le respect des principes de la République ». Avec à la clé un nouveau délit, encore une fois : « Le fait de révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser, dans le but de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique, ou aux biens, est puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. »
C’est toujours une grave mise en cause de la liberté de la presse.
Plusieurs dispositions de ce projet mettent par ailleurs en cause certaines des libertés fondamentales comme la liberté d’association, chère à la France, patrie des droits de l’Homme.
Le texte, dont le gouvernement a, comme malheureusement de plus en plus souvent, voulu l’examen par le parlement en procédure accélérée, n’a pas fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 12 mai dernier. L’Assemblée aura donc le dernier mot et le vote final. Le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT Journalistes et le SGJ-FO appellent les parlementaires à s’opposer à ce nouveau texte liberticide.
La lutte pour la liberté d’informer et d’être informé doit donc se poursuivre ! Plus que jamais.
Paris le 25 mai 2021.
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