France Télévisions : à quel jeu joue la directrice des ressources humaines ?

0  -  Article mis à jour le 22 novembre 2021

Lettre des JRI de la rédaction nationale de France Télélvisions

Au printemps dernier, devant la situation catastrophique du service JRI de la rédaction nationale, nous avons titré notre lettre ouverte “Les JRI au bord du burn out”. Hélas, nous ne pensions pas, qu’en cette fin d’année, tout aurait empiré.

Et la faute à qui ? Allez, devinez … Eh bien aux JRI eux-mêmes !

Comme ils sont pour un tiers des effectifs en restriction médicale, les JRI bloqueraient la belle machine de l’information et l’empêcheraient donc de fonctionner à plein régime. C’est ce que l’on retient du compte-rendu de la SDJ de France 2, qui a été reçue par la présidente Delphine Ernote, entourée de la DRH Laurence Mayerferld et du directeur de l’information Laurent Guimier

Mais le constat, pour provocateur qu’il soit, ne doit pas occulter la réalité. Et de se poser LA bonne question : comment en est-on arrivé là ? Qu’a fait la direction pendant toutes ces années pour apporter des solutions ?

Quand la responsable des ressources humaines de France Télévisions dit : “La problématique sur les JRI, on ne la découvre pas”, c’est bien la seule phrase avec laquelle on peut être d’accord avec elle. Après, ça dérape : “C’est moins un problème d’effectif que de gens disponibles pour travailler, (à cause) des restrictions médicales ou de kilométrage…”, aurait-elle dit à la SDJ. On est en droit de se demander si elle a bien connaissance de la casse physique comme en ont fait état les ateliers JRI, en juin dernier. Les problèmes avaient pourtant bien été ciblés, certains exogènes au service, d’autres proprement internes.

Ainsi les sujets en kits, les allers-retours dans la journée en train ou en voiture, pour filmer une interview ou une séquence envoyée par TVU, la quasi-disparition des équipes à trois, les voyages en seconde classe avec le stress de trouver de la place pour le matériel, la fatigue engendrée par le transport et des wagons bondés…

Et puis un éditorial de moins en moins maîtrisé, caractérisé par la faillite du prévisionnel, à la traîne des autres médias, ce qui oblige à “sortir” un sujet à toute vitesse, sans la préparation nécessaire, par la simple justification qu’il a été vu ou entendu la veille ou le matin même.

On peut citer aussi une organisation préhistorique du service, avec des “permanences-actus” rigides, des attributions de missions très souvent opaques, liées au choix du type de caméra (5D) par l’édition ou par le rédacteur, liées aussi au choix d’organisation de travail (décompte horaire-quatre jours ou forfait jours-cinq jours), ou liées encore à la supposée facilité de disponibilité de telle ou tel…

On n’oublie pas l’impact des années de travail dans un service où la moyenne d’âge est plus proche de la cinquantaine que de la trentaine. Le poids des caméras, du pied, de la lumière, complété par des TVU-pack ou du son. Et comment nier que l’usage de ces appareils photos ou caméras légères provoquent aussi d’autres syndromes tout aussi handicapants.

On n’oublie pas non plus l’impact des années de travail dans un service où la moyenne d’âge est plus proche de la cinquantaine que de la trentaine. Le poids des caméras, du pied, de la lumière, complété par des TVU-pack ou du son. Et comment nier que l’usage de ces appareils photos ou caméras légères provoquent aussi d’autres syndromes tout aussi handicapants.

Non contente de confondre le symptôme avec la maladie, Laurence Mayerfeld s’engage sur un terrain miné, sur une voie sans issue : “Je vais bientôt voir les médecins du travail”, dit-elle… Mais pour leur demander quoi exactement ? Pour accéder aux dossiers médicaux ?

La suite est presque comique si elle n’était tragiquement irréfléchie : “…car il faut faire des choix : ou nos collègues ont des problèmes de port de charge par exemple, et aujourd’hui il existe des solutions (des caméras légères comme le kit UTS, Unité de Tournage Smartphone, par exemple), ou alors, ils ont d’autres problèmes médicaux (que je n’ai pas à connaître) et ils prennent un temps partiel, ou vont dans un autre service.”

Nous ne sommes pas sur NoA (Nouvelle Aquitaine), la télé expérimentale low-cost où tout le monde peut tourner avec un smartphone.

Nous ne sommes pas sur NoA (Nouvelle Aquitaine), la télé expérimentale low-cost où tout le monde peut tourner avec un smartphone.

Et sur le temps partiel, madame la DRH devrait relire les textes. L’article L3123-4 du code du travail précise que “le passage à temps partiel est une modification du contrat de travail que l’employeur ne peut pas imposer au salarié. Le salarié continue à travailler à temps plein, s’il refuse de passer à temps partiel.”

Et quand on voit les difficultés à changer de service ou à se reconvertir… les quelques réussites ne sont que des arbres qui cachent une forêt trop dense.

Mais nous en terminerons par le plus dérangeant, ce soupçon sous-jacent que les JRI en restrictions ne travaillent pas, ou pas assez. En fait, ils travaillent, comme les autres, dans un cadre plus ou moins adapté. Même si l’encadrement aime à s’en plaindre.

Au lieu d’imaginer des ersatz de solutions, la direction ferait mieux d’engager ce que les JRI demandent depuis très longtemps : l’établissement d’un vrai plan de carrière pour chacun, qui prenne en compte officiellement la pénibilité du poste et propose à chaque étape de son parcours des possibilités de reconversion.

Au lieu d’imaginer des ersatz de solutions, la direction ferait mieux d’engager ce que les JRI demandent depuis très longtemps : l’établissement d’un vrai plan de carrière pour chacun, qui prenne en compte officiellement la pénibilité du poste et propose à chaque étape de son parcours des possibilités de reconversion. Il faut également redonner du sens au travail. Le reportage et l’image sont le cœur de notre métier.

Face à aux vives réactions suscitées par les propos de la DRH, Laurent Guimer est venu répondre aux questions des élus du CSE, le 17 novembre. Il a tenté d’éteindre l’incendie et de temporiser : “Il n’y a pas d’attaque, pas de stigmatisation. Il faut mettre cette question sur la table. Comprendre pourquoi il y a autant de JRI en restriction, tout en respectant le secret médical. Ce sont des faits. Personne n’a présumé, ni soupçonné quoi que ce soit, au contraire : est-ce dû à la pyramide des âges, à la gestion des compétences et des profils, à la fatigue et à l’utilisation de tel ou tel matériel. On n’en est qu’au stade des questions.”

Questions posées depuis longtemps, maintes et maintes fois. Le diagnostic n’est plus à établir, les JRI attendent maintenant des réponses, de vraies solutions, dans le respect de tous et dans l’intérêt de la rédaction toute entière.

Paris, le 18 novembre 2021.

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Suite au compte-rendu de la SDJ, de nombreux reporteurs d’images ont fait part de leur colère. Ce verbatim en propose des extraits :

“Depuis combien d’années demandons-nous des possibilités d’évolution dans notre carrière de JRI ? N’y avait-il pas un atelier en route, du reste ?”

“Que fait la direction depuis tant d’années ? Regarder les preneurs de son et JRI se blesser, avec étonnement ? Et mépris ?”

“Pourquoi avoir supprimé Panakeia qui permettait le renforcement musculaire et l’assouplissement ?”

“Au lieu de nous stigmatiser la Direction pourrait aussi se remettre en cause. Qu’elle mette en place des solutions pérennes et épanouissantes ! ! Et pas seulement de l’affichage.

“J’ai fait un petit calcul qui peut être utile quand on part en mission (sur un terrain “chaud”) avec du matos dit léger ! ! (un boîtier 5d+une Dv ,TVU , affaires perso et pare-balles)

  • 15,7 kg tvu

  • 10,1 kg pied

  • 21,6 kg valise
  • 2,4 kg lumière
  • 
7,4 kg sac à dos +5D et Dv

  • 15 kg gilet pare-balles


Soit au total pour le JRI de 72,2 kg.”

“Depuis l’arrivée de madame Ernotte à la présidence, ce n’est pas moins de 5 directeurs de l’info que nous avons vu passer sous son mandat. Des personnes qui devraient être là pour une vision de l’information à long terme, sur 5 à 10 ans. Pourtant leur moyenne de survie ne dépasse guère 1,5 an. N’aurait-elle pas fait les bons choix ?”

“Voilà plus de 10 ans que journalistes, JRI, syndicats s’échinent à dénoncer les micros-trottoirs, la déspécialisations des journalistes, la mainmise des éditions au détriment des services, les tournages en kit fragmentés en bout de sonore et images d’illustres à 3, 4, ou 5 équipes, le manque de temps pour traiter des sujets complets…

“Non madame, nous ne sommes pas responsables de nos situations physiques, voilà tant d’années à présent que vous restez sourde à nos problèmes, nos attentes, nos demandes, qu’il semble indécent de nous en rendre responsables aujourd’hui.”

“Qu’elle vienne en tournage Laurence Mayerfeld, voir comment on travaille. Je l’invite quand elle veut à porter tout notre matériel du matin au soir.
Ses propos sont scandaleux.
”

“Le forfait jour est un jeu de dupe ; une invention non pas pour mieux gérer vos vacances et vos RTT mais pour tourner tant qu’il y aura des cassettes ou des cartes de 128Go.

“…votre capital santé est essentiel, sinon vital. Qui vous accompagnera, quand, pétris de rhumatismes, d’arthrite ou d’arthrose et de mal de dos vous atteindrez votre retraite ?

“La Direction ne découvre rien du tout (…) (elle est) responsable de notre santé physique comme mentale, au nom d’un Service Public qu’elle prétend être. Nous voilà pour un tiers du service des inutiles sinon des parias.”

“Quelle tristesse ce constat de la DRH, tous ces JRI peu ou non fonctionnels ! Et l’impact sur toute la rédaction ! Honte à eux !”

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