Lettre ouverte
Madame la Première ministre,
La rédaction du JDD est en grève depuis près de deux semaines et deux numéros du journal n’ont pas été publiés. Outre qu’elle illustre la banalisation des idées d’extrême droite dans les médias, la situation du JDD est l’exemple parfait de la difficulté, voire de l’impossibilité, pour l’ensemble des personnes vivant en France d’accéder à une pluralité de création et d’information.
Il suffit qu’un groupe ait les moyens de racheter un média, une société de production audiovisuelle ou une maison d’édition – voire les trois à la fois – pour qu’il puisse utiliser leur audience et leur notoriété en soutenant ou en propageant l’idéologie de son choix.
Il suffit qu’un groupe ait les moyens de racheter un média, une société de production audiovisuelle ou une maison d’édition – voire les trois à la fois – pour qu’il puisse utiliser leur audience et leur notoriété en soutenant ou en propageant l’idéologie de son choix.
A cela, s’ajoutent deux effets collatéraux: la suppression pure et simple d’une ligne éditoriale et le licenciement de journalistes et de salariés qui ne trouvent plus leur place dans un média profondément différent de celui dans lequel ils ont signé un contrat de travail.
Cela est d’autant plus choquant, en termes de démocratie comme d’entreprenariat, que Vivendi n’a aucun besoin de pratiquer une telle politique de vampirisation et d’asphyxie de la diversité. Pour promouvoir une idéologie, quelle qu’elle soit, le groupe dispose largement des moyens financiers pour créer un nouveau média d’information, une nouvelle maison d’édition ou une nouvelle société de production.
La CFDT et la CGT alertent depuis des années sur les limites du cadre légal actuel. Ainsi, la loi Bloche est insuffisante pour assurer l’indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires. De même, la loi de 1986 ne permet pas de maîtriser la concentration des médias.
Ces questions méritent d’être travaillées pour préserver le pluralisme de l’information et la diversité de la production culturelle.
La CFDT et la CGT alertent depuis des années sur les limites du cadre légal actuel. Ainsi, la loi Bloche est insuffisante pour assurer l’indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires. De même, la loi de 1986 ne permet pas de maîtriser la concentration des médias, sans compter qu’elle ne concerne en rien ni la production culturelle ni la protection de sa diversité.
L’exemple du rachat du JDD par Vivendi et les conditions de sa reprise en mains soulignent également les limites des organes de régulation. La CFDT et la CGT considèrent que des dispositifs paritaires visant à garantir la liberté d’information et de création – tout comme l’accès à l’information et à la culture – doivent être mis en place. On pourrait ainsi définir une conditionnalité des aides à la presse et créer des prérogatives accordées aux rédactions en cas de rachat.
La situation sociale en France montre que la cohésion nationale est attaquée de toutes parts. L’agressivité idéologique et économique de Vivendi – qui ne doit pas, pour autant, cacher les comportements prédateurs d’autres groupes du secteur – affaiblit davantage encore cette cohésion.
La situation sociale en France montre que la cohésion nationale est attaquée de toutes parts. L’agressivité idéologique et économique de Vivendi – qui ne doit pas, pour autant, cacher les comportements prédateurs d’autres groupes du secteur – affaiblit davantage encore cette cohésion.
Il est un autre dossier d’actualité: la loi sur la liberté des médias dans l’UE, actuellement en discussion. A la demande de la France, sa version actuelle limite la protection des journalistes contre l’utilisation des logiciels espions, en introduisant une exception “de sauvegarde de la sécurité nationale”. Un alinéa unanimement dénoncé par les syndicats de journalistes, les sociétés de journalistes et la Fédération européenne des journalistes, comme une atteinte à leur secret des sources et à leur vie privée.
C’est pourquoi, Madame la Première ministre, nous vous sollicitons pour initier une révision du cadre légal et des dispositifs pour garantir le pluralisme et l’indépendance des médias, ainsi que la diversité de la création et de la diffusion culturelle en France.
Dans l’attente des suites que vous voudrez donner à cette sollicitation, que nous considérons comme essentielle pour la pérennité de notre démocratie, nous vous prions d’agréer Madame la Première ministre, l’expression de notre plus haute considération.
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT
Paris, le 3 juillet 2023.
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