Directives de l’OIT : le risque d’une instrumentalisation du gouvernement pour détériorer plus encore l’inspection du travail

0  -  Article mis à jour le 26 juillet 2023

Communiqué commun CGT et CGT-SNTEFP

L’ambition sans cesse réaffirmée de l’OIT consistant à s’adapter et à répondre aux défis contemporains du monde du travail ont depuis quelques années amené l’organisation onusienne à se moderniser. Un processus long qui nécessite – outre l’élaboration de nouvelles normes, telle la Recommandation sur les apprentissages de qualité (lire ici) – de réviser et parfois même supprimer certaines normes existantes considérées comme obsolètes.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les « Directives sur les principes généraux de l’inspection du travail », publiées par le Conseil d’administration de l’OIT sur son site internet le 3 mai 2022. Adoptées lors d’une réunion tripartite des expert.e.s indépendant.e.s de l’OIT le 16 décembre 2021 à Genève, l’objectif affiché de ces Directives est de donner aux Etats membres des « orientations techniques détaillées sur les principes clefs contenus dans les conventions n° 81 et 129 à l’aune des pratiques et défis contemporains. »

Cette démarche a emporté dans son sillage la suppression de la Recommandation n° 20 sur l’inspection du travail de 1923. Cet instrument juridique avait pour mérite d’éclairer un certain nombre de principes inhérents aux fonctions et missions de l’inspection du travail fixés par les conventions n° 81 et 129 de l’OIT, repris pour partie dans le Code du travail français.

Décidée lors de la 111e session de la CIT de juin 2023 à Genève, la disparition de ce texte – jugé « dépassé » – pour lui voir substituer ces Directives appelle à une vigilance accrue sur les finalités et l’usage potentiel de ce nouvel outil par le gouvernement, dans un contexte où l’inspection du travail n’a jamais été aussi malmenée en France que ces dernières années.

En mars 2022, le rapport parlementaire Dharréville pointait qu’il ne restait plus que 1.700 agents à temps plein pour plus de 20 millions de salariés. Le ministère comptait, en 2010, 2.249 contrôleur.es et inspecteur.es en section d’inspection, soit une perte sèche de 550 agent.es de contrôle de terrain en douze ans.

En mars 2022, le rapport parlementaire Dharréville pointait qu’il ne restait plus que 1.700 agents à temps plein pour plus de 20 millions de salariés. Le ministère comptait, en 2010, 2.249 contrôleur.es et inspecteur.es en section d’inspection, soit une perte sèche de 550 agent.es de contrôle de terrain en douze ans. Personne n’aura également oublié les persécutions opérées par leurs hiérarchies à l’encontre des inspecteurs.trices Laura Pfeiffer, Anthony Smith, ou plus récemment Gérald Le Corre, pour ne citer que ces agent.e.s. Les atteintes à l’indépendance se multiplient malheureusement. Tout dernièrement en Guyane, une inspectrice du travail a même été mis 12 heures en garde-à-vue pour l’interroger sur les modalités de contrôle concernant trois dossiers dans le cadre desquels elle a simplement exercé ses prérogatives d’agente de contrôle !

Aussi, nous dénonçons notamment les points, particulièrement inquiétants, suivants des « Directives sur les principes généraux de l’inspection du travail » :

  • une protection amoindrie des missions de l’inspection du travail en raison d’une sélection des tâches attribuées aux agent.e.s par leur hiérarchie dans un contexte de sous-effectif massif ; 

  • des mesures managériales délétères, dont une planification et une programmation des rapports d’inspections, la « planification des activités de l’inspection du travail au moyen d’un système annuel de gestion par objectif » et la mise en place d’un objectif chiffré individuel ( !) ; 

  • une grave remise en cause du principe de la libre décision des inspecteurs.trices du travail quant à l’opportunité de diligenter des contrôles ; 

  • une absence de garanties contre les discriminations dans le processus de recrutement des agent.e.s de l’inspection du travail.

S’il faut admettre objectivement que ce texte n’est pas entièrement sujet à défiance lorsqu’il rappelle clairement les principes fondamentaux des conventions n° 81 et 129 de l’OIT, la CGT s’interroge sur le fait de savoir si l’objectif pour certains Etats membres – plus que « d’actualiser » un outil juridique international par un autre – n’était pas de se débarrasser insidieusement de certains principes fondamentaux de l’inspection du travail. La question se pose d’autant plus que ces nouvelles Directives vont parfois beaucoup plus loin que lesdites conventions elles-mêmes dans les mesures prodiguées visant à les appliquer, induisant un cadre d’interprétation déformé des conventions internationales de l’OIT.

La CGT et le syndicat CGT SNTEFP prendront leurs responsabilités pour dénoncer au niveau national et international toutes tentatives de réinterprétation et de déformation des principes fondamentaux de l’inspection du travail inscrits dans les conventions n° 81 et n° 129 de l’OIT.

Montreuil, le 25 juillet 2023 .

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