“Le Canard” : heureusement que le ridicule ne tue pas

0  -  Article mis à jour le 9 octobre 2023

Communiqué du SNJ-CGT du “Canard enchaîné”

Maurice et Jeanne Maréchal, qui ont fondé Le Canard enchaîné en 1915, doivent s’en retourner dans leur tombe.

Pour la troisième fois en moins de six mois, la direction du « journal satirique » s’acharne à tenter de virer le journaliste Christophe Nobili, délégué syndical, secrétaire du CSE et lanceur d’alerte… En quémandant désormais la permission de le mettre à la porte auprès du ministère du Travail et du Plein Emploi – et donc en dernier ressort auprès du ministre lui- même Olivier Dussopt.

Pour la troisième fois en moins de six mois, la direction du « journal satirique » s’acharne à tenter de virer le journaliste Christophe Nobili, délégué syndical, secrétaire du CSE et lanceur d’alerte… En quémandant désormais la permission de le mettre à la porte auprès du ministère du Travail et du Plein Emploi – et donc en dernier ressort auprès du ministre lui- même Olivier Dussopt.

Faire ainsi appel à un ministre pour trancher un conflit interne au journal peut surprendre venant d’un journal précisément satirique, dont la vocation, depuis un siècle, est de se gausser des travers et faux pas des gouvernants. En temps normal, ce genre d’exercice acrobatique, à rebours des valeurs et de l’indépendance proclamées, vaudrait un entrefilet saignant dans les colonnes du Canard… Apparemment, le ridicule ne tue pas.

Quitte à faire de lui un bouc-émissaire en pleine crise économique et sociale (-30 % de ventes en 6 ans, érosion des Dossiers du Canard, difficile transition numérique, revendications des pigistes maltraités), la direction persiste à s’acharner sur Christophe Nobili, en invoquant la « perte de confiance » induite auprès de certains de ses collègues, depuis la publication de son livre, Cher Canard (JC Lattès, mars 2023), du fait que certains s’y trouvent cités sans leur consentement.

Dans un ouvrage d’enquête au ton satirique, Nobili établit un parallèle entre l’affaire Fillon qu’il a largement contribué à sortir, et « l’affaire Escaro », du nom de ce dessinateur dont il a découvert avec effarement que sa compagne, Edith, avait été grassement payée pendant un quart de siècle sans avoir jamais mis les pieds au journal.

Dans cet ouvrage d’enquête au ton satirique, Nobili établit un parallèle entre l’affaire Fillon qu’il a largement contribué à sortir, et « l’affaire Escaro », du nom de ce dessinateur dont il a découvert avec effarement que sa compagne, Edith, avait été grassement payée pendant un quart de siècle sans avoir jamais mis les pieds au journal. Soupçonnant un montage financier occulte, il a lancé l’alerte au parquet de Paris qui a diligenté une enquête préliminaire, confiée à la brigade financière.

Dans un « message aux salariés » envoyé par mail ce 7 octobre, le comité d’administration de six membres explique n’avoir eu d’autre choix que de voter « à l’unanimité » ce « recours hiérarchique » formé auprès du ministre. Et il reproche longuement à l’inspection du Travail qui a refusé le licenciement par deux fois, de « n’avoir jamais tenté – contrairement à la direction du Canard – d’avoir une appréciation objective de la situation ».

Visiblement, la direction – dont les « attestations partiales » sont mises en cause dans le dossier – n’a pas digéré la cinglante décision de l’inspectrice du travail du 2 août, qui sur quelque dix pages d’un raisonnement juridique serré lui donne tort sur tous les points.

Tu parles d’objectivité ! Visiblement, la direction – dont les « attestations partiales » sont mises en cause dans le dossier – n’a pas digéré la cinglante décision de l’inspectrice du travail du 2 août, qui sur quelque dix pages d’un raisonnement juridique serré lui donne tort sur tous les points : prescription des faits, caractère non-exécutoire mais aussi liberticide de la « charte de déontologie » du Canard, contresens sur l’article cité de la Convention collective des journalistes, traitements discriminants infligés en interne au journaliste en lien avec ses mandats syndicaux…

A ce dernier titre, sont longuement cités les deux éditoriaux parus en septembre 2022 et mars 2023 où le salarié Christophe Nobili a été pris à partie et désigné à la vindicte des lecteurs. Ainsi que sa séance de réintégration houleuse, en mai 2023, au cours de laquelle une lettre hostile a été lue publiquement par un de ses collègues… Lettre dont une version expurgée a été communiquée, après coup, à l’inspection du Travail.

En fait d’objectivité, c’est la direction du Canard qui a ainsi reçu une leçon cuisante de droit et de déontologie de l’inspection du Travail.

En fait d’objectivité, c’est la direction du Canard qui a ainsi reçu une leçon cuisante de droit et de déontologie de l’inspection du Travail. Réduite à quia, la direction préfère renverser la perspective et noyer ladite inspection dans une contestation globale peu argumentée, en campant sur ses positions, y compris ses erreurs de droit, dans ce « message » dénigrant la décision, envoyé à plus de 60 salariés.

Elle continue notamment d’accuser Christophe Nobili de « jeter un grave discrédit contre » ses collègues pour les avoir cités dans son ouvrage. Alors que l’inspection du Travail juge, en sens contraire que l’article de mars 2023 « Un ami qui nous veut du bien », signé des deux rédacteurs en chef, « tend à discréditer le salarié dans son mandat et à justifier une mise à l’écart par certains de ses collègues ». Lesquels ont beau se sentir « injuriés », ils n’ont pas pour autant porté plainte en diffamation – souligne l’inspection.

Plus fort encore, le comité d’administration, en cherchant à expulser ce vilain petit canard, affirme œuvrer pour la sauvegarde de la presse en général, en contribuant à consolider la jurisprudence sur les chartes de déontologie imposées par la loi de 2016. « Il en va de même pour la convention collective des journalistes ». Même si elle est comprise de travers ?

La direction du Canard enchaîné s’expose à nouveau à une humiliation publique, et risque de ressortir encore un peu plus déplumée, si ce n’est goudronnée, de ce bras de fer. Surtout au moment où certains dirigeants sont eux-mêmes sous le coup d’une enquête approfondie de la brigade financière…

Décidément, le ridicule ne tue pas. La direction du Canard enchaîné s’expose à nouveau à une humiliation publique, et risque de ressortir encore un peu plus déplumée, si ce n’est goudronnée, de ce bras de fer. Surtout au moment où certains dirigeants sont eux-mêmes sous le coup d’une enquête approfondie de la brigade financière… N’est-ce pas plutôt l’enquête judiciaire en cours sur leur gestion passée qui jette « un grave discrédit » sur le journal ? Dans une entreprise éprise de « déontologie », cette procédure aurait conduit les dirigeants mis en cause, qui ont largement fait leur temps, à démissionner.

La démarche effectuée auprès du ministre Dussopt (lui-même appelé à comparaître pour favoritisme devant le tribunal correctionnel de Paris du 27 au 30 novembre, hasard du calendrier) pose au passage la question de la marge d’initiative du nouveau directeur général délégué depuis juin, Jean-François Julliard, au sein d’un comité d’administration qui est de fait verrouillé par le directeur historique et président sortant, Michel Gaillard, et par son second, le directeur sortant devenu président à sa place, Nicolas Brimo.

Car ils siègent toujours l’un et l’autre dans cette instance et continuent à contrôler l’actionnariat du journal en sous-main, jusqu’à plus ample informé. Il se trouve que ce sont les principaux responsables mis en cause dans l’affaire Escaro…

Les 25 membres de la section syndicale SNJ-CGT du Canard Enchaîné

Paris, le 9 Octobre 2023.

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