Communiqué du SNJ-CGT
L’extrême droite n’a pas peur du ridicule, c’est même à ça qu’on la reconnaît. L’Institut Thomas More, think tank chargé de donner un vernis de respectabilité et de pseudo méthode scientifique aux réactionnaires de tout poil, vient de commettre un nouveau rapport, entièrement à charge, contre l’audiovisuel public. En effet, cette nouvelle supercherie fait suite à une précédente « étude » , diffusée en mai 2024, sur l’orientation politique des chaînes nationales de Radio France, dont les résultats grotesques, déjà relayés par le Figaro Magazine, avaient suscité la consternation des chercheurs spécialistes en sciences politiques.
L’IA est présentée comme l’outil impartial par excellence, ayant « établi des classifications en parfaite autonomie, sans intervention humaine » . Soit l’Institut Thomas More nous prend pour des ignares, soit il l’est lui-même.
Voilà donc que l’Institut Thomas More récidive, dans un rapport fondé sur l’écoute d’un mois de matinales de France Inter, France Info et France Culture (les 43 locales du réseau ICI apprécieront d’être ainsi ignorées), « prémices d’une plus large étude à paraître, utilisant les avancées récentes de l’intelligence artificielle ». L’IA est présentée comme l’outil impartial par excellence, ayant « établi des classifications en parfaite autonomie, sans intervention humaine » . Soit l’Institut Thomas More nous prend pour des ignares, soit il l’est lui-même. Une intelligence artificielle ne classe pas « sans intervention humaine », elle répond à un prompt et à des consignes
donnés par les enquêteurs. Si les consignes sont biaisées, la classification le sera aussi.
Dans le monde délirant de l’IA de l’Institut Thomas More, même la météo est classée à gauche, comme le sont aussi les billets d’humour ou les chroniques musicales ou scientifiques.
Venons-en donc aux « conclusions » de l’intelligence artificielle. Félicitations à Marie-Pierre Planchon (présentatrice météo), Daniel Morin (humoriste), Charline Vanhoenacker (humoriste), Aline Afanoukoé (productrice d’une chronique musicale) ou Alexandra Delbot (chroniqueuse scientifique) pour leur promotion au rang de « journalistes de gauche ». Car dans le monde délirant de l’IA de l’Institut Thomas More, même la météo est classée à gauche, comme le sont aussi les billets d’humour ou les chroniques musicales ou scientifiques. La pseudo étude cite même, au premier degré, un extrait d’une chronique de Charline Vanhoenecker pour illustrer le traitement particulièrement favorable dont bénéficieraient les figures du centre et centre-gauche sur France Inter: « Hier soir j’ai regardé le 20h de France 2 dans le secret espoir de voir annoncer en direct Raphaël Glucksmann nommé Premier ministre. Un moment de grâce ! » L’extrême droite ne comprend ni la satire, ni l’ironie ou le second degré, et visiblement son IA non plus, puisqu’elle classe au même niveau météo, sciences, humour et interview politique.
Rappeler le principe de l’État de droit et l’égalité de tous-tes les citoyen-nes devant la loi, inscrits aux fondements de notre démocratie, c’est être « de gauche » selon l’IA de l’Institut Thomas More!
La pseudo étude inaugure également un concept fumeux pour appuyer ses conclusions mensongères: « l’angle de gauche », extrait d’une chronique de Patrick Cohen à l’appui. Suite à la condamnation de Nicolas Sarkozy dans l’affaire libyenne, l’éditorialiste a « utilisé une rhétorique forte pour défendre l’indépendance de la justice et le principe d’égalité devant la loi, tout en attaquant violemment la stratégie de victimisation de l’ancien président ». Rappeler le principe de l’État de droit et l’égalité de tous-tes les citoyen-nes devant la loi, inscrits aux fondements de notre démocratie, c’est donc être « de gauche » selon l’IA de l’Institut Thomas More!
« Le contenu est une transcription factuelle d’un bulletin météo alarmiste. On peut lire une coloration implicite: vocabulaire alarmiste (tempête, vigilance, submersion) et attention portée aux phénomènes extrêmes, qui s’inscrit dans une sensibilité climatique souvent associée à une culture éditoriale de gauche ».
Extrait du rapport de l’institut Thomas More
La météo est un autre exemple révélateur:
« Le contenu est une transcription factuelle d’un bulletin météo alarmiste. On peut lire une coloration implicite: vocabulaire alarmiste (tempête, vigilance, submersion) et attention portée aux phénomènes extrêmes, qui s’inscrit dans une sensibilité climatique souvent associée à une culture éditoriale de gauche; aucune orientation droite n’apparaît, biais indirect mais cohérent avec -80. »
Dans la météo comme dans le traitement de l’actualité, toute mention du changement climatique s’accompagne ainsi inévitablement d’une note dégradée, puisque ce consensus scientifique serait l’apanage des progressistes et des écologistes. La dénonciation du sexisme, du racisme, la promotion de l’égalité femmes-hommes (entre autres droits humains), la critique des injustices sociales font les frais du même jugement. Voilà qui en dit long sur les partis-pris réactionnaires de l’Institut Thomas More et de ses commanditaires, qui n’ont sans doute jamais lu les écrits de l’auteur humaniste de L’Utopie, livre que leur malfaisante IA classerait sans doute dans la catégorie « ultra- gauche »!
Les matinales nationales de Radio France sur-exposeraient, sur un mois, la majorité présidentielle? L’Institut Thomas More n’a pourtant qu’à consulter les règles de l’Arcom pour savoir que le gouvernement dispose d’un tiers du temps de parole sur la radio publique, les deux autres tiers étant réservés à l’ensemble des forces politiques, majorité et opposition comprises, en fonction de leur représentativité. Rien d’étonnant donc, dans ce qui est présenté comme un biais mesuré sur un temps très court (un mois de matinales nationales radio), quand l’Arcom apprécie l’équilibre des temps de parole sur l’ensemble de l’année.
Ce n’est pas seulement la consternation, mais la colère qui domine à la lecture d’un tel ramassis de fumisteries, d’une grande malhonnêteté intellectuelle, relayées par le Figaro Magazine.
Ce n’est pas seulement la consternation, mais la colère qui domine à la lecture d’un tel ramassis de fumisteries, d’une grande malhonnêteté intellectuelle, relayées par le Figaro Magazine. Il faut avoir bien peu d’amour propre et plus aucune exigence professionnelle pour se fourvoyer dans un tel naufrage déontologique. Nous, journalistes CGT de Radio France, n’hésitons jamais à relever les faiblesses ou manquements éditoriaux de nos antennes, mais nous dénonçons avec force une véritable imposture journalistique conçue pour auto-alimenter une bulle médiatique d’extrême droite, dans l’unique but d’aggraver le travail de sape mené contre l’audiovisuel public. La critique est bienvenue quand elle est fondée, pas quand elle s’inscrit dans une dérive mensongère au service d’intérêts politiques tout sauf impartiaux.
Paris, le 5 décembre 2025.
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