Sanction de Guillaume Meurice : lettre ouverte de la CGT Radio France

0  -  Article mis à jour le 13 novembre 2023

Lettre ouverte de la CGT Radio France à Sibyle Veil, PDG de Radio France

Madame la Présidente,

Nous avons reçu lundi 6 novembre votre message adressé à l’ensemble des salariés sur le « devoir de responsabilité » de Radio France dans le contexte de tensions exacerbées par le conflit au Proche-Orient. Message dans lequel vous rappelez qu’une « phrase malheureuse viralisée peut ternir le travail de toute une chaîne, de tout un service public », que « l’humour n’a pas vocation à ajouter de la division à la division » et que « des sanctions » disciplinaires ont été prises.

Il est clair que les propos de l’humoriste Guillaume Meurice ont sincèrement choqué une partie de nos auditeurs. Nous devons l’entendre et ne pas minimiser le malaise exprimé. Tout comme il est nécessaire de rappeler que rien ne peut laisser penser que Guillaume Meurice ait participé à toute forme de propagande antisémite au moment même où l’extrême droite instrumentalise cette affaire.

Il est clair que les propos de l’humoriste Guillaume Meurice ont sincèrement choqué une partie de nos auditeurs. Nous devons l’entendre et ne pas minimiser le malaise exprimé. Qu’il s’agisse des échanges via la médiatrice, ou de réponses de membres de l’émission dans le cadre d’interviews, des canaux existent pour faire vivre ce dialogue avec nos publics. Il est essentiel.

Tout comme il est nécessaire de rappeler que rien ne peut laisser penser que Guillaume Meurice ait participé à toute forme de propagande antisémite au moment même où l’extrême droite instrumentalise cette affaire. D’ailleurs, d’autres auditeurs ont aussi été choqués par l’ampleur prise par la polémique, rapidement exploitée par certaines sphères politiques ou intellectuelles. 

Votre réponse et la tonalité générale de ce courrier envoyé à tous les salariés, nous posent question. Il oppose et en même temps amalgame le travail des humoristes et celui des rédactions, et nous semble clairement céder à la pression ambiante. 

Votre réponse et la tonalité générale de ce courrier envoyé à tous les salariés, nous posent question. Il a fait office pour vous de communiqué à l’adresse du grand public, car immédiatement relayé par la presse. Ce courrier rappelle votre attachement à la liberté d’expression tout en ne cessant d’y apporter des limites. Il oppose et en même temps amalgame le travail des humoristes et celui des rédactions, et nous semble clairement céder à la pression ambiante.

Ce qui est répréhensible légalement doit être sanctionné, y compris au sein de l’entreprise. Nul ne le conteste. Est-ce le cas des propos concernés ? La justice sera probablement amenée dans les semaines qui viennent à se prononcer sur le sujet. En à peine huit jours, vous avez tranché, dans la précipitation et le brouhaha médiatique, ce qui est en fait une question d’une extraordinaire complexité, et en impliquant l’ensemble des salariés de Radio France. L’humour peut être une « soupape » comme vous le rappelez, mais il n’est certainement pas que cela.

Ce qui est répréhensible légalement doit être sanctionné, y compris au sein de l’entreprise. Nul ne le conteste. Est-ce le cas des propos concernés ? La justice sera probablement amenée dans les semaines qui viennent à se prononcer sur le sujet. En à peine huit jours, vous avez tranché, dans la précipitation et le brouhaha médiatique.

Alors que les actes antisémites sont effectivement en augmentation – ce qui nous indigne et nous inquiète tous – la responsabilité qui est la vôtre est justement de garder la hauteur nécessaire, de ne pas alimenter le ressentiment, de protéger les salariés lorsque, comme Guillaume Meurice, ils font l’objet de menaces de mort qu’il ne faut jamais prendre à la légère.

En donnant d’une certaine manière du grain à moudre à nos détracteurs, vous risquez d’affaiblir le service public de l’audiovisuel, plutôt que de le protéger. Vous devez rester la garante de l’indépendance de nos médias, et non pas la courroie de transmission des indignations à géométrie variable, à l’heure où tant de propos authentiquement racistes sont proférés à longueur de plateaux radio ou télé, même pas sous le couvert de l’humour et sans la moindre réaction des instances de régulation.

Paris, le 9 novembre 2023.

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